Mon intention n’est absolument pas de paraphraser, avec ce titre, notre ami Alexis de Tocqueville mais plutôt de tenter une explication rapide et nécessairement modeste de l’onde de choc qui a secoué les États-Unis le 8 novembre dans la nuit et traversé le monde ensuite.
Beaucoup de mes « amis » sur Facebook trouvaient une sorte de catharsis à écrire que Donald Trump serait le 45ème Président des États-Unis. Jusqu’alors je ne l’avais jamais fait et voilà je l’ai écrit, même si je me suis soigneusement exclue du sujet de la phrase et ainsi distancée de cette réalité. Je ne ressens aucun soulagement ni n’entrevois de solution à la crise. Pourtant, c’était prévisible.
Je ne vais pas revenir sur le trop facile abrutissement des masses du Midwest, réputé pour ses tracteurs et ses rednecks. Quand on voit que près de 3 millions de Pennsylvaniens ont voté pour l’amateur d’auto-bronzant, cette hypothèse ne tient pas. La Pennsylvanie était un des principaux foyers de la Révolution américaine et c’est à Philadelphie que furent signées la Déclaration d’Indépendance et la Déclaration des Droits. C’était un État Démocrate.
Je ne vais pas non plus revenir sur le caractère anti-establishment supposé de Donald Trump. En effet, comment un homme qui a fréquenté assidûment les cercles politiques, l’industrie du divertissement et qui a recherché activement l’argent de lobbies et de Super Pacs, sa campagne avançant peut être considéré comme anti-establishment ? Comment un candidat qui a recruté dans son équipe de campagne des vétérans politiques peut être considéré comme anti-establishment ? Nous sommes très loin de Bernie Sanders qui avait réussi à lever 220 millions de $ pour sa campagne sans l’aide de Super Pacs ou de lobbies et sans fortune personnelle.
Je ne vais pas non plus revenir sur le fait que Donald Trump est un businessman avisé. Tout d’abord parce qu’on ne dirige pas un pays comme une entreprise. Ensuite parce que si Donald Trump dirige les États-Unis comme une entreprise, l’Amérique va bientôt ressembler à son casino abandonné d’Atlantic City.
Enfin, je ne vais pas revenir sur le fait que beaucoup d’Américains ont mis de côté le racisme, l’homophobie, la misogynie de Trump pour voter pour lui car on ne peut pas désigner un Président indépendamment de son racisme, de son homophobie et de sa misogynie.
Je ne vais pas revenir là-dessus car j’enrage de voir que les êtres humains n’apprennent rien de leur Histoire et j’enrage parce que Trump, en nommant le nauséabond et particulièrement dangereux Stephen Bannon comme Chef de la Stratégie présidentielle, confirme justement que nous ne pouvons pas faire exception du racisme, de l’homophobie et de la misogynie du candidat pour lequel on vote. Je regarde maintenant avec suspicion mon voisin dans le bus, le monsieur devant moi à la file d’attente à la Poste, ma collègue qui me dit que tout va bien se passer, …
Plusieurs de mes amis enragent à l’idée qu’Hillary Clinton ait récolté plus de votes populaires (1 million de plus quand même) que Donald Trump et qu’elle ait échoué à être élue en raison du système des grands électeurs.
Nos ancêtres grecs (eh oui, nous n’avons pas que les Gaulois comme ancêtres !) nous ont transmis plusieurs modes de gouvernement dont la démocratie, c’est-à-dire le pouvoir du peuple. Alors pourquoi, les États-Unis dont on loue souvent les valeurs démocratiques ont-ils élu un candidat qui a reçu moins de suffrages populaires que son adversaire ?
Aux États-Unis, ce n’est pas le peuple qui a l’ultime pouvoir de décision, c’est un collège électoral, par un suffrage universel indirect. Le nombre de grands électeurs par État est défini par le nombre de représentants que cet État a au Congrès et au Sénat. Le législatif gouverne l’exécutif en quelque sorte.
Il y a 538 grands électeurs et le gagnant(e) de l’élection doit réunir 270 votes. Les candidats au collège électoral sont nommés par les partis politiques des différents États des mois avant le mardi suivant le 1er lundi du mois de novembre. La constitution américaine autorise chaque État à choisir son propre système de nomination.
Les grands électeurs attachés à un candidat particulier ont alors été formellement choisis par élection populaire le 8 novembre 2016. Il ne s’agissait que de l’élection du collège électoral.
Quasiment tous les États – à l’exception du Maine et du Nebraska – utilisent la méthode du winner-takes-all (« le vainqueur l’emporte ») qui attribue en bloc l’intégralité de leurs grands électeurs au candidat ayant reçu la majorité des suffrages. D’une certaine manière le vote populaire devient nul et non avenu. Voilà comment Al Gore qui avait remporté le plus de suffrages populaires a dû céder la place à George W. Bush et comment Hillary Clinton a perdu face à Donald Trump.
Donald Trump lui-même avait déclaré le 7 novembre 2012 que « The electoral college is a disaster for a democracy »*.
Mais certains Démocrates ne perdent pas espoir car si le 8 novembre dernier, les grands électeurs ont désigné Donald Trump comme vainqueur, il est arrivé dans l’Histoire des États-Unis que certains grands électeurs aient voté pour l’autre candidat lors de leur grande réunion de décembre pendant laquelle ils désignent formellement le Président.
Jusqu’à présent, aucun électeur infidèle n’a modifié le résultat d’une élection… En attendant, des milliers d’Américains descendent dans les rues pour protester contre Donald Trump.
Les gens défilent, protestent, portent des épingles à nourrice – safety pins* – pour s’élever contre l’élection de Trump mais plus de 46% d’Américains ne sont pas allés voter. Alors, oui, je suis sur mes gardes car autour de moi, des centaines de personnes, grâce à un système finalement peu démocratique, ont fait passer au second plan des valeurs humaines essentielles pour le bon fonctionnement d’une société.
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