Le 10 août 2016 à Abingdon, en Virginie, Trump promit de redonner un emploi aux mineurs et ce en mettant à bas les régulations et les politiques environnementales de l’ère Obama.
Abingdon est une petite bourgade de 8 191 habitants. Elle fut créée entre 1748 et 1750 lorsqu’il fallut construire une route menant au Tennessee à travers la nature sauvage.
En 1774, le fort Black – du nom de son constructeur, le Capitaine Joseph Black – qui devait défendre les colons d’éventuelles attaques des Premières Nations, était construit. Aujourd’hui, il n’en reste rien ou presque et les historiens locaux se perdent en conjectures sur le nombre de scalps récoltés par les Cherokees autour du Fort. Toutefois, il demeure l’élément d’attrait pour les touristes régionaux dans cette ville qui n’a autrement pas grand intérêt.
C’est une ville à 93.8% blanche et selon le recensement de 2010, le revenu médian par foyer était $30 976 soit pas grand-chose (36% de moins que le revenu médian national) et 19.8% des habitants d’Abingdon vivaient sous le seuil de pauvreté (31% de plus que le taux national).
Le petit musée de la ville, le William King Museum of Art, consacre jusqu’à la fin de l’été 2018 une exposition autour du thème des mines de charbon et la conservatrice de ce musée n’hésite pas à affirmer que l’existence même d’Abingdon est intimement liée à la production de charbon. Avec tous ces éléments en main, nous comprenons mieux pourquoi Abingdon figurait sur la liste des rallyes de campagne de Trump. L’auditoire pauvre, blanc, peu éduqué, dont l’existence est dramatiquement attachée au charbon était un auditoire acquis. Masi Trump aurait pu tenir ce même discours dans n’importe quelle petite bourgade des Appalaches tant la situation catastrophique est la même dans la majorité des villes minières.
Durant toute la campagne (le 22 septembre 2016 et encore le 21 novembre 2016 quand il parla d’une « guerre contre le charbon »), Trump n’aura de cesse de marteler son intention de remettre systématiquement en cause les lois votées auparavant :
- le Stream Protection Rule (2017) qui permettait de réguler la prospection minière et imposait à l’industrie minière de prendre en considération l’environnement dans leur prospection.
- Le Clean Power Plan (2017) qui visait à diminuer les émissions de carbone et la production des centrales de charbon.
Bien évidemment, les législateurs prévoyaient une diminution des emplois dans des zones déjà très pauvres, comme la région des Appalaches, mais estimaient que les bénéfices sur la santé et l’environnement devaient prévaloir. Selon une étude publiée par l’Université Columbia, les lois de l’ère Obama sont responsables d’une baisse de 3.5% de la production de charbon entre 2011 et 2016. On sait que la production de charbon pendant cette période a décliné d’environ 30% notamment face à la concurrence du gaz naturel. Les législations ne sont donc pas pour beaucoup dans cette transition énergétique.
Encore une fois, le monde évolue et nos dirigeants bercent de douces illusions le peuple qui réclame du pain. Clairement, les tentatives de Trump ne résoudront pas la crise du charbon et vouloir revenir en arrière est illusoire.
Trump avait promis de créer des emplois dans ces villes minières mais l’avenir de cette industrie dépend surtout de la demande nationale, plus que des politiques mises en place. Plus d’un an après sa prise de fonction, force est de constater que l’emploi n’est pas revenu dans ces régions minières, même si l’industrie du charbon veut rester optimiste. Mais les faits ont du mal à soutenir cet optimisme. Trump avait annoncé l’ouverture d’une mine de charbon en Pennsylvanie, mine qui n’a toujours pas vu le jour et la consommation de charbon et le nombre d’emplois liés à l’exploitation de ce minerai ne cessent de chuter.
Source: The Hill - Coal industry mired in decline despite Trump pledges by Reid Wilson - 4 mars 2018
En Pennsylvanie, comme en Virginie, le déclin de cette industrie est irrésistible. Le charbon dit « anthracite » très présent dans le nord-est de la Pennsylvanie était communément utilisé pour chauffer les habitations et cela s’est révélé tristement ironique pour les habitants d’une petite bourgade de cette région : Centralia.
Nous nous sommes donc rendus en Pennsylvanie, avec Baby Boy, afin de nous rendre compte par nous-mêmes de la transition physique d’un monde à un autre.
Nous avons rejoint la ville fantôme de Centralia par la route 61. Il y avait un peu de voyeurisme là-dedans, je le concède.
Pour trouver Centralia, il faut s’armer de patience car même si les panneaux routiers l’indiquent, votre GPS vous arrête au beau milieu d’un carrefour où il n’y a pas une seule maison à proximité.
Certes, nous avions compris le concept de ville fantôme mais nous nous attendions à quelques propriétés abandonnées, désertées par des familles fuyant les gaz toxiques émanant d’un feu de charbon souterrain.
En effet, depuis 1962, un feu de l’ancienne mine de charbon brûle sous les maisons et se déplace poussant un à un les habitants à fuir. Sa présence a été d’abord remarquée par les habitants qui trouvaient étrange que la neige fonde très vite autour des maisons et que leur sous-sol soit extrêmement chaud même en plein cœur de l’hiver.
Plusieurs tentatives pour l’éteindre ont échoué. En 1992, le territoire de Centralia devient domaine public de l’Etat de Pennsylvanie et chaque maison abandonnée est détruite. Dix ans plus tard, la Poste supprime le code postal correspondant à la ville. La nature reprend peu à peu ses droits.
Nous arrêtons la voiture et décidons d’explorer le coin à pied et là Centralia nous révèle ses derniers petit
s secrets :
- La mine abandonnée
La mine abandonnée
- Des maisons encore debout et d’autres complètement dévastées
- Un tronçon de route 61 délaissé car complètement déformé par le feu
Le tronçon de la route 61 abandonnée et laissée aux tagueurs. On voit clairement les crevasses qui l'ont rendue impraticable.
Cela pourrait être le sous-titre de cet article (les cendres de grandeur)
Certains n'attendent clairement plus rien du Président
- Une église
- Un cimetière
- Un bâtiment municipal dont l’aspect plutôt neuf jure avec les environs
On devine des rues qui ont dû être un jour bordées de maisons mais on ne croise aucun habitant, seuls quelques touristes animés comme nous par une curiosité morbide. La promenade n’est pas effrayante mais il se dégage autour de nous un petit air de fin du monde.
Une des maisons abandonnées
Centralia est l’exemple éclatant d’un ancien monde qui meurt. Trump depuis son entrée en fonction a échoué à relancer l’industrie minière et Centralia nous invite aujourd’hui à regarder vers un avenir plus propre.
Contraste saisissant entre les ruines de l'ancienne mine et les éoliennes
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