Nous arrivons aux 100 jours de la Présidence Trump.

Je n’ai jamais bien compris pourquoi on donnait aux Présidents – du moins en Occident – 3 mois pour donner le ton de leur présidence. Pourquoi pas moins, pourquoi pas plus ?

En tous cas, avec Trump, aucun raison d’attendre 100 jours. Il a donné le ton dès le début et la rue y a répondu aussi sec. Cela a commencé avec la maintenant fameuse Marche des Femmes où les marcheurs étaient coiffés de cet insolite chapeau de laine aux oreilles de chat (allusion assumée à l’immonde expression de Trump à l’égard des femmes : « il faut les attraper par la chatte »).

La plus importante manifestation eu lieu à Washington DC avec des prises de parole de personnalités bien connues du grand public – Madonna, Scarlett Johansson, Kerry Washington – mais également d’activistes moins exposées comme Linda Sarsour. Les couvertures et les articles dans les magazines se sont multipliés sur la condition de la femme, célébrant les femmes dans toute leur diversité mais montrant surtout leur force. Le matraquage de ces images un peu dérisoire mais ô combien nécessaire pouvait répondre au fait que la Femme avait été (et continue de l’être) humiliée par le Président.

Plusieurs madones de ce mouvement ont émergé, très différentes. Je voudrais m’arrêter sur deux figures particulièrement puissantes, devenues les porte-parole des insoumises. Tout d’abord, Elizabeth Warren, sénatrice démocrate du Massachusetts. Elle siège au Sénat pour cet État depuis janvier 2013. Mais elle a eu un parcours très intéressant bien avant. Déjà adolescente, elle remporte les concours d’éloquence de son lycée en Oklahoma. Elle est alors promise à un brillant avenir scolaire mais, romantique et passionnée, elle abandonne ses études pour épouser son amour de lycée Jim Warren et déménage pour lui au Texas car ce dernier travaille à la NASA. Après la naissance de ses deux enfants, elle reprend des études, d’abord sur les pathologies de la parole et enseigne à des enfants en difficulté dans une école publique (on retrouve cet engagement dans ses prises de position actuelles), puis en Droit et passe le Barreau. Elle s’intéresse très vite au monde de la finance et privilégie les recherches de terrain auprès des juges, avocats, débiteurs, victimes.

Elle devient enseignante en Droit (notamment Droit du Commerce) à Harvard où elle devient célèbre pour enseigner à la Socrate. Elle monte ensuite les échelons au sein du Parti démocrate en se démarquant par ses idées très à gauche et prend pour cible très tôt Wall Street et le monde de la Finance. Elle dénonce sans vergogne le peu d’empressement du Département de Justice à condamner les banques aux pratiques frauduleuses. Elle participe ensuite à la création du Bureau de Protection des Consommateurs en 2011 (c’est plutôt récent et montre peut-être à quel point les lobbies des grands industriels sont forts). Sous la présidence d’Obama, elle devient l’assistante du Président et conseillère spéciale du Secrétaire du Trésor des États-Unis. Plus récemment, elle est surtout connue pour avoir incité le PDG de Wells Fargo à démissionner après le scandale sur les pratiques de cette banque. Enfin et surtout, aux côtés de Bernie Sanders, elle est devenue une figure de proue de la contestation contre Trump et tout ce qu’il représente. Ses interrogatoires des candidats aux postes de ministres de Trump sont épiques et jouissifs. A chacune de ses interventions, des t-shirts ou des mugs apparaissent en reprenant ses propos.

Son dernier coup d’éclat : alors que Jeff Sessions est pressenti pour être Procureur Général des États-Unis (ce qu’il est devenu depuis, hélas), Elizabeth Warren entreprend de lire une lettre de Coretta King – veuve de Martin Luther King Jr – écrite en 1986 pour s’opposer à l’époque à la nomination de Jeff Sessions à un poste de juge fédéral. En substance, elle dénonce le fait que Jeff Sessions, originaire de Selma, Alabama, a tout fait en tant que procureur pour empêcher le vote des Noirs en Alabama. A l’époque, Jeff Sessions n’avait pas obtenu alors le poste de juge fédéral. Dans une séance au Sénat extrêmement dérangeante, Elizabeth Warren est continuellement interrompue dans sa lecture par les Républicains – notamment par le Sénateur du Kentucky Mitch McConnell –jusqu’à l’humiliation suprême où elle est sommée de retourner à son siège.

Ici le lien vers la vidéo

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L’autre figure dont j’ai envie de souligner l’engagement est Linda Sarsour. Linda Sarsour est née à Brooklyn de deux parents palestiniens. Elle s’est très tôt engagée dans les associations de défense des droits des Arabo-Américains et après le 11 septembre, elle a réussi à faire reconnaître par les écoles publiques de l’Etat de NY deux fêtes musulmanes. Elle a également activement participé à la Loi pour la sécurité des communautés (Community Safety Act) qui a permis de créer un bureau indépendant chargé d’enquêter sur les dérives policières notamment liées au « délit de faciès ».

Enfin, elle est à présent surtout connue pour avoir organisé une impressionnante campagne de levée de fonds auprès de la communauté musulmane pour reconstruire le cimetière juif de St-Louis dans le Missouri qui avait été saccagé. Elle est également la co-organisatrice de la Marche des Femmes à Washington qui avait rassemblé des milliers et des milliers de femmes anonymes et de célébrités pour dénoncer la politique de Trump le 21 janvier. Plus récemment, elle a organisé devant la Trump Tower, sur la 5ème avenue à Manhattan, une immense prière publique pour fêter la rupture du jeûne, des militants juifs protégeant les fidèles musulmans.

Finalement, la parole se déchaîne et la résistance s’organise au quotidien.

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Vue dans une vitrine de restaurant à Manhattan