Nous quittons Badlands un peu à regret, des images plein la tête et des émotions plein le cœur. Au bout d’une longue route, nous rejoignons Cheyenne.
Notre route est detournée car les Réserves de Pine Ridge et de Rosebud sont fermées au trafic en raison de l’épidémie.
Avide spectatrice de la série télévisée Hell on Wheels, Cheyenne évoque pour moi l’épopée de l’Union Pacific Railroad, les tentes destinées à abriter les premiers travailleurs de la ligne de chemin de fer, la figure trouble de Thomas Clark Durant contrebandier de coton pendant la Guerre de Sécession, escroc notoire du Credit Mobilier of America destiné à financer l’Union Pacific Railroad et grand visionnaire.
Le nom de cette ville évoque bien évidemment les tribus des Cheyennes qui vivaient sur un territoire entre les Monts Laramie, le fleuve North Platte à l’est et les fleuves Powder and Bighorn au nord. Aujourd’hui, les Cheyennes s’organisent en deux groupes : les Cheyennes Méridionaux qui appartiennent aux tribus des Cheyennes et Arapaho du Wyoming et les Cheyennes Septentrionaux qui vivent dans la Réserve Cheyenne du Montana. Ces deux groupes regroupent une multitude de communautés différentes. Cet exemple des Cheyennes montre bien à quel point les tribus des Premières Nations sont extrêmement diverses et ne représentent pas un bloc homogène.
Aujourd’hui, Cheyenne – 64 000 habitants – est en grande majorité blanche (87.4%) et seul 1% de ses habitants est issu des Premières Nations. Cheyenne est la capitale de l’Etat républicain du Wyoming. Nous passons d’ailleurs devant le bureau du G.O.P (Grand Old Party) dans la rue menant au Capitole après avoir dépassé une boutique de cow-boys.
Nous nous attardons au Cheyenne Depot Museum – pour rester dans l’ambiance de la conquête de l’Ouest. Le petit musée dont l’entrée est flanquée de deux sculptures de santiags colorées longe des voies ferrées encore en activité.
La première partie du Musée est une collection d’artefacts liés à l’activité ferroviaire à travers le temps. On y croise des postes de commande des trains, d’anciens aiguillages, des bancs patinés par les derrières impatients de tous les voyageurs qui ont dû se succéder dans la salle d’attente de cette gare de Cheyenne, un dépliant à destination des touristes présentant l’ensemble du parcours de l’Union Pacific Railroad, édité 16 ans après l’achèvement de ces grands travaux.
Nous sommes pratiquement seuls dans ce petit musée de poche. Les rayons du soleil viennent, dans la seconde partie du musée, éclairer, à travers les fenêtres en verre monumental, les maquettes recréant la vie à Cheyenne au 19ème siècle. Demi-Portion s’essaie avec bonheur à faire fonctionner un circuit ferroviaire.
Nous quittons le Musée et nous errons un peu le long de l’artère principale de la ville. Nous ne croisons pas âme qui vive. Un masque abandonné sur le trottoir nous indique une présence humaine récente.
Nous dormons dans un camping à l’extérieur de Cheyenne dans une sorte de zone industrialo-commerciale sur le déclin. Baby Boy en profite pour regonfler nos pneus.
Le lendemain, nous reprenons notre camion et atteignons Denver au bout de deux heures de route sur l’Interstate 25S. Cette étape est surtout pour nous restaurer car après tant de temps passé dans des contrées sauvages ou des avant-postes à peine urbanisés, nous rechignons un peu à se retrouver dans une capitale d’Etat et à baguenauder dans les rues d’une métropole.
Nous trouvons rapidement un petit restaurant qui sert en terrasse – le service en salle est interdit depuis mi-mars et tous les serveurs portent des masques et des gants.
A la fin du repas – ou plutôt de l’engloutissement d’un burger, ma foi, bien bon – je me dégourdis les jambes en contournant l’esplanade de ce qui me semble au premier coup d’œil être une gare. Mon but premier étant d’aller retirer de l’argent au distributeur automatique d’une banque, je ne m’y attarde pas.
En revanche, à mon retour au restaurant, j’embarque Baby Boy, Demi-Portion et Numéro Bis pour une visite de ce superbe bâtiment néo-classique. C’est la Gare de l’Union. Initialement construite en 1880 pour consolider l’activité du rail dans la ville, la gare fut érigée en style italianisant par William E. Taylor de Kansas City avec une façade de 154 mètres. La tour de 39 mètres qui la surmontait en fit, à l’époque, la structure la plus imposante du Colorado. Hélas, en 1894, un gigantesque feu la détruisit. Elle fut reconstruite rapidement et en 1914, pour répondre à la demande grandissante pour le voyage ferroviaire, la partie reconstruite fut rasée et remplacée par une section centrale de trois étages en style néo-classique.
Pendant la seconde guerre mondiale, un trafic de plus de 80 trains par jour passait par cette gare avant de décliner lentement mais surement. Les badauds attirés par les restaurants et les bars de la gare ont remplacé les voyageurs du rail dès les années 50. Nous l’oublions rapidement mais la nation américaine s’est construite autour du développement des rails que ce soit d’un point de vue géographique, démographique ou sociologique. Un cheminot, après 46 ans de carrière au sein de la Gare de l’Union, affirma « railroads always will be the backbone of the nation » (les chemins de fer seront toujours la colonne vertébrale de la nation).
Chouette visite qui fait effectivement penser à Hell on Wheels ! Merci!
Je ne connais pas cette série ! Oups.. Je vais regarder cela… en tout cas tu m’as mise dans l’ambiance.. je transfère à doubidou !