Notre dernière journée complète à Yellowstone est consacrée à l’exploration du Canyon de Yellowstone. Le ciel est gris et il pleuviote. Nous quittons notre camping sous les ruminements d’un jeune cerf.

Le sentier de randonnée autour du Canyon débute au pied d’un ancien pont – Chittenden Bridge – sur lequel passaient les diligences des premiers touristes au début du 20ème siècle. Mais nous optons d’abord pour la randonnée de la rive sud du Canyon.
Initialement, j’avais prévu de nous emmener au Mont Washburn mais celui-ci est inaccessible à cause de la fermeture de la route due à une intense activité des ours. Je décide de ne pas en vouloir à ces Ursus arctos horribilis (drôle de nom pour des mammifères somme toute bonhommes) et je vais finir par être séduite par la beauté du canyon.
Un guide consulté dans une des boutiques des centres d’information du Parc nous promet – à l’américaine – “From the South Rim, you experience some of the most extraordinary scenery in the nation, if not the world”. Sceptique, je commence la randonnée en ruminant. La randonnée de 7.2 kilomètres, débutant tout près de Artist Point Road, nous emmène à travers une forêt touffue à la rencontre de bains de boue bouillonnants, de cascades grandioses et de petits lacs. Nous longeons des rapides et d’énormes rocs datant de la dernière ère glaciaire accélèrent leurs rouleaux. De l’autre côté du canyon, nous apercevons le Canyon Bridge qui semble complètement incongru et fragile dans ce paysage.

Après quelques mètres, cheminant dans la mousse humide et moelleuse du sous-bois, nous entendons un grondement. Je crains un orage mais c’est le rugissement de la Yellowstone River qui se jette, en une cascade stupéfiante, dans le canyon, que ses flots ont sculpté pendant des années. Nous grimpons au belvédère de l’Oncle Tom – rien à voir avec le Tom d’Harriet Stowe mais tout à voir avec H.F Richardson le concessionnaire du Parc à la fin du 19ème siècle – pour admirer les Chutes Supérieures qui se jettent avec fracas d’une hauteur de 32 mètres. Les parois colorées du canyon sont aspergées en continu d’infinies gouttelettes et un insaisissable nuage vaporeux plane au-dessus du gouffre.
En se penchant un peu on grappille une jolie vue, à travers les arbres, des Chutes de Cristal, de l’autre côté du canyon.

Nous continuons notre chemin à travers la forêt dont les arbres et la chlorophylle environnante exsudent, sous la pluie, l’odeur doucereuse et fraîche du pétrichor. Nous arrivons bientôt à un second belvédère d’où on peut se délecter sans fin du débit spectaculaire et perpétuel des Chutes Inférieures (94 mètres quand même !). Les parois du canyon se colorent petit à petit de jaune, de vert, de rose, de rouge et d’orange telles des palettes de peintres. Une petite marmotte observe placidement l’abîme sous elle.


Nous concluons enfin cette longue randonnée en lacets par un point de vue sur le canyon depuis un belvédère rempli de monde. La communion silencieuse avec la nature est brisée par les va-et-vient bruyants de touristes venus en voiture jusqu’au sommet du canyon. Nous ne nous attardons pas et décidons de rejoindre la rive nord du canyon en reprenant le même chemin. La pluie redouble ses efforts et nous pressons le pas.

La randonnée le long de la rive nord est moins longue (5 kilomètres) et suit le tracé de la rivière en empruntant une ancienne route. Nous traversons d’abord le Chittenden Bridge. Il a été construit en 1903 par l’équipe d’Hiram Chittenden qui était en charge de construire et d’améliorer les voies de transport dans Yellowstone. Nous traversons ensuite le Canyon Bridge qui nous paraissait ne tenir qu’à un fil lorsque nous étions sur la rive sud. Ce dernier a été construit à la toute fin du 19ème siècle. Les calèches qui s’aventuraient ici marquaient parfois l’arrêt pour laisser à leurs passagers le plaisir d’admirer les flots bondissants de la Yellowstone River.
Nos pas nous mènent à nouveau vers les Chutes Supérieures que nous contemplons alors d’un autre point de vue. Nous voyons plus clairement le canyon se rétrécir et forcer ainsi la vitesse du flot dont on a l’impression qu’il veut à tout prix s’échapper de cet étau. Le sentier pénètre bientôt dans la forêt et nous nous retrouvons au pied des Chutes de Cristal. Nous continuons notre route qui descend en lacet vers les Chutes Inférieures. Là, la vapeur, créée par la force de la chute, s’élève continuellement entre les parois du canyon et se confond avec les exhalaisons des geysers, vestiges de 640 000 ans, qui s’agitent sous l’eau.
Cette découverte du canyon est un peu le pinacle de notre long séjour à Yellowstone et pourtant nous ne sommes pas encore au bout de nos émotions de la journée.
Sur le chemin du retour, alors que nous longeons la Hayden Valley pour rejoindre notre camping, nous tombons nez à nez avec un immense troupeau de bisons qui paissent tranquillement sous le soleil couchant.
Hayden Valley Hayden Valley Hayden Valley
C’est la première fois que nous voyons autant de bisons au même endroit. Certains s’approchent de notre camping-car et nous restons prudents. Pourtant, je ne peux m’empêcher de photographier ces magnifiques créatures, animaux totem des Premières Nations des Plaines (Arapaho, Arikara, Bannock, Blackfeet, Cheyenne, Crow, Gros Ventre, Kiowa, Nez Percé, Sheep Eater, Shoshone et Ute) qui avaient fait de cette terre leur foyer. Je me sens à la fois complètement en sécurité face à leur puissance et paradoxalement vulnérable quand ils me lorgnent d’un œil paresseux sous leurs paupières lourdes. Face à cette nature si forte et si fragile, nous sommes si petits et insignifiants.
Yellowstone River
La vallée s’étend sous nos yeux, traversée des affluents de la Yellowstone River et ponctuée au loin de fumeroles. Baby Boy rompt notre silence contemplatif : « On dirait le Paradis ». Des canards s’égaient à l’horizon et un ours se baigne dans le fleuve.

Encore merci pour cet article et les photos magnifiques. Quel beau partage😀😁👏
Un merveilleux article de fin d’expédition!! Merci pour ces explications minutieuses et ces photos si belles.