Pour nous dégourdir les jambes après la journée plutôt sédentaire de la veille (lire l’épisode ici), nous prévoyons une longue journée de randonnées.

Nous débutons par la marche qui mène aux chutes de Laurel. Les deux kilomètres qui rejoignent les chutes sont bien empruntés et nous sommes loin du calme de nos premières randonnées. Le chemin a été pavé pour éviter l’érosion en raison de l’intense fréquentation. Nos pas sont balisés par des pins majestueux et des chênes aux troncs vénérables. C’est une forêt secondaire dont les racines des arbres sont chatouillées par un épais tapis de lauriers et quelques touches de rhododendron roux flamboyant. D’étranges tubercules trouvent aussi abri à l’ombre de ses augustes fûts. Ce sont des Conopholis d’Amérique. L’ours noir se nourrit de cette plante charnue et participe de sa dissémination. La forêt est particulièrement dense avec des gaulthéries et des diapensales.

Après avoir admiré les chutes Laurel avec plusieurs de nos congénères, nous décidons de continuer la randonnée pour découvrir une forêt primaire.

J’aperçois un éclair jaune, c’est un oiseau timide qui vole d’arbre en arbre. La forêt primaire est  juste au-dessus de la cascade, à environ un kilomètre de la foule.

Nous nous rendons compte assez vite que les chutes de Laurel sont certes les plus impressionnantes mais qu’elles sont alimentées par une multitude de petites chutes qui rythment Little River. Nous traversons un petit pont de bois, Demi-Portion et Numéro Bis émerveillées par la beauté de la nature qui nous enveloppe comme un écrin. Les tulipiers de Virginie et les pruches du Canada ont remplacé les pins et les chênes. Cette forêt parait paradoxalement plus vivante car beaucoup moins ordonnée avec des troncs d’arbres tombés qui jalonnent le sol et offrent ainsi un abri à de nouvelles plantes sauvages, des fougères et de jolies petites fleurs.

Après environ deux kilomètres, nous arrivons sur une crête, celle de Chinquapin. Elle doit ce nom, semble-t-il, aux châtaigniers d’Amérique (même si nous n’en avons pas vu). Ce nom vient de la langue algonquine parlée à l’est des Etats-Unis. A défaut de châtaigniers, nous trouvons des chênes et des érables.

Du haut de notre silencieux belvédère, nous pouvons admirer quelques parties de la chaine montagneuse des Smokies.

En redescendant, nous croisons un couple de jeunes faons. Un froissement d’ailes attire notre attention vers les cimes des arbres. Tout d’abord, nous ne distinguons rien, puis nos yeux s’habituant au clair-obscur de la journée qui se termine, nous apercevons la forme furtive d’un drôle d’animal, hybride entre la dinde et le paon. C’est une gelinotte huppée.

Nous jouons un instant avec Demi-Portion et Numéro bis à suivre ses courts vols entre les branches des arbres jusqu’à ce qu’elle disparaisse de notre vue.

Nous retrouvons le passage pavé après les chutes de Laurel. Nous croisons le chemin d’un guide passionné par les Great Smoky Mountains. Nous discutons un moment avant d’être interrompus par le glissement paresseux d’un gros serpent noir. Le dessus de son long corps ondulant est d’un noir profond et son ventre est tout blanc. Il chemine indiffèrent aux dizaines de paires d’yeux qui le scrutent. Numéro Bis et Demi-Portion, loin d’être effrayées, le fixent intensément. C’est un serpent ratier américain. Notre guide de circonstance nous explique que ces serpents ne sont pas venimeux et peu agressifs.

Nous rentrons dans notre camion fourbus de nos dix kilomètres de marche mais heureux d’avoir côtoyé une telle nature.