Nous quittons the Kodachrome Basin State Park à contrecœur et reprenons la route pour rejoindre Zion National Park.
Nous empruntons d’abord l’autoroute 12 et nous passons devant Bryce Canyon National Park pour un ultime au-revoir. Nous continuons notre route le long de la très belle Dixie National Forest. Nous hésitons un instant à nous arrêter. Peut-être une étape d’un autre road trip.
En revanche, nous sommes contraints de nous arrêter pour faire le plein d’essence.
Nous atteignons enfin Zion, par l’est, et l’arrivée dans le Parc est grandiose. La route serpente le long d’une gorge et nous passons dans un tunnel sous la roche. La route descend en lacets vers le fond du canyon. Contrairement aux autres Parcs que nous avons visités, la particularité de Zion est que l’exploration se fait du fond du canyon vers les hauteurs et non l’inverse.
Le Parc est immense et nous décidons de découvrir la partie Sud de l’immensité. La seule, nous semble-t-il accessible sans voiture (une navette est mise à disposition).
Nous garons le camping-car sur le parking du Centre d’Information et là, déjà accablés par la chaleur, nous sommes terrassés par la foule. C’est un changement d’ambiance radical et plutôt violent. Il y a des gens partout où le regard se pose. Les rangers ont installé des stands de documentation à la sortie du Centre d’information fermé pour cause de pandémie. Les files d’attente sont courtes mais indisciplinées. La majorité des visiteurs porte des masques mais clairement certains l’ont rendu optionnel malgré la signalétique omniprésente. Nous arrivons enfin au stand. Un énorme panneau rouge et jaune nous apprend que des prélèvements effectués dans les eaux de la Virgin River – qui traverse le Parc – ont révélé la présence inquiétante d’une bactérie mangeuse de chair (le terme scientifique – fasciite nécrosante – est encore mois ragoûtant) et qu’il est formellement déconseillé de s’y baigner.
Première déconvenue. Mais devant la foule qui s’égaye dans les flots à quelques mètres, je demande confirmation à la Ranger. D’un sourire contrit, elle hoche la tête. Les gouttes de transpiration qui sillonnent mon dos me rendent téméraire : « vous êtes sûre ? Parce qu’il y a plein de gens qui se baignent en ce moment-même. L’eau a peut-être été traitée ? ». De grands yeux s’ouvrent devant moi, la bouche forme un rond silencieux. « Il y a des baigneurs dans l’eau ? ». A mon tour d’hocher la tête. « Mais les gens sont fous ». Et voilà, comment on met définitivement fin à un rêve.
Nous acceptons penauds le dépliant du Parc et demandons timidement les horaires des navettes.
Nous allons nous installer ensuite à notre emplacement de camping – plein à craquer.
Face aux hordes de vacanciers, mon niveau de stress grimpe. La déconvenue de la baignade ne fait qu’ajouter à la morosité qui s’installe insidieusement au sein de notre petite équipée. Apres avoir effectué les branchements nécessaires au bon fonctionnement de notre abri sur roues, nous décidons d’emprunter le sentier de randonnée du Watchman. Il se situe derrière le Centre d’information et ne nécessite pas de prendre un véhicule.
C’est un sentier de randonnée plutôt court qui, ainsi que nous le vante le panneau d’introduction, permet de voir beaucoup en peu de temps. Bonne introduction au Parc, pensons-nous.
Le soleil est au zénith lorsque nous commençons l’ascension. Le chemin est hyper étroit et beaucoup de marcheurs nous côtoient, souvent sans masque. Certains nous tapent sur l’épaule, en passant, nous glissant un mot ou deux d’encouragement à un centimètre de la joue ou tapote la tête de Demi-Portion coiffée d’un chapeau licorne qui fait l’admiration de tous. Mon niveau de stress et d’énervement atteint des sommets. Je rumine.
La montée est ardue. Mais certains coins sont superbes. La roche ocre brille au soleil. Nous distinguons bientôt le Watchman, un sommet de près de 2000 mètres. A notre droite, en contrebas, la Virgin River serpente, paisible.
Nous arrivons enfin à un plateau herbeux. Devant nous s’étale le Parc et s’alignent les bennes à ordures du Centre d’Information. Nous avons connu des vues plus bucoliques (je vous épargne les photos)
The Watchman
Soyons honnêtes, la première impression du Parc n’est pas enthousiaste.
Baby Boy a trouvé sur la carte un supermarché dans la ville d’à côté, qui s’annonce « healthy and local ». On s’y rend, pleins d’espoir.
Ce que le supermarché a omis de déclarer est qu’il pratique des prix prohibitifs et qu’il ne propose que des produits industriels. En même temps, nous aurions pu nous en douter, étant donné qu’il s’agit de la seule épicerie à des kilomètres à la ronde. On trouve péniblement quelques légumes fatigués et nous repartons penauds vers notre caravane.
Je regarde distraitement Demi-Portion recouvrir méthodiquement ses vêtements de poussière rouge alors qu’elle effectue de complexes génuflexions et circonvolutions autour du camping-car. Baby Boy et Numéro Bis sont partis explorer les environs du camping.
Lorsqu’il revient, Baby Boy me confie qu’il a rencontré une jeune femme japonaise en détresse. Elle est maman d’un petit garçon de l’âge de Demi-Portion et elle est affolée que la direction du camping ait planté autour de tous les campements des buissons de datura – autrement appelée herbe du diable. Elle craint que son fils y touche et s’intoxique. Elle veut absolument alerter les autorités du Parc mais ne parlant qu’un anglais hésitant, elle ne sait pas trop comment faire. Baby Boy lui conseille de se rendre au Centre d’information et d’aborder un ranger.
Je pars à mon tour en reconnaissance et en effet, un peu partout, je trouve des bosquets de longues plantes blanches élégantes dressées vers le ciel.
Mon œil est cependant très vite attiré par une lumière vive qui baigne le sommet d’une imposante montagne. Cela me fait un peu penser au Half Dome de Yosemite en Californie.
Le lendemain, nous faisons la queue pour prendre la navette. Les bus se succèdent sans discontinuer. Une fois à bord, nous apprenons que les trois quarts des sentiers de randonnée sont fermés au public pour des raisons de maintenance. Nous nous regardons dépités.
Nous consacrons notre journée à l’exploration de la zone des Emerald Pools. Là encore, nos congénères sont légion et les engins de chantier font un sacré boucan. Nous sommes loin du calme olympien de Yellowstone ou de Badlands.
Toutefois, la beauté du lieu fait passer ces désagréments au second plan. Le premier bassin est niché au creux d’une petite grotte dont l’entrée est un rideau de gouttes de la cascade qui s’écoule plus haut. Hélas, le deuxième bassin n’est pas complètement accessible en raison d’éboulements.
Troisième bassin
Premier bassin Deuxième bassin Troisième bassin
Le troisième bassin se situe au pic de la montagne au bout d’une longue marche en zigzag à flanc de roche. On y arrive comme à une plage secrète. L’eau, à la faveur du soleil, est tour à tour vert clair, vert profond ou rouge brique. Nous y demeurons un moment pour profiter de ces instants suspendus.
A notre arrivée dans le Parc, le ranger de l’accueil nous avait demandé de confirmer que nous resterions bien 5 nuits avant d’ajouter que beaucoup de voyageurs écourtaient finalement leur séjour en raison de la chaleur.
J’ignore si c’est la chaleur qui les a fait fuir. Pour nous, ce sera l’ambiance générale dans le Parc, la foule et les sentiers fermés.
Notre troisième et dernier jour à Zion est consacré à la découverte de la randonnée du Temple of Sinawava le long de la rivière. Seul inconvénient, la fin de la randonnée se fait dans l’eau, celle-là même qui est contaminée.
Sur le chemin du retour, nous prenons un petit chemin de traverse pour échapper à la cohue. Nous déjeunons et méditons au calme près d’un petit affluent de la rivière et face à une monumentale montagne.
Ce sera notre dernière nuit à Zion. En regardant la carte du Parc fournie par les rangers, on se rend compte que toute une partie du Parc serait encore à explorer. Toutefois, il n’y a pas de camping et atteindre cette zone signifierait devoir sortir du Parc pour y entrer à nouveau plus au nord et nécessiterait de longs trajets.
Nous consacrons les deux jours restants à nous reposer au bord du lac de Sand Hollow State Park. Au programme: baignades, bouquins et barbecue.
Sand Hollow State Park Sand Hollow State Park Sand Hollow State Park Sand Hollow State Park
Les paysages sont encore une fois époustouflants!