Le petit Bernard Sanders naît le 8 septembre 1941 à Brooklyn. Excellent élève et très bon camarade, la spécialité sportive de Bernie au lycée est la course de fond – détail qui aura son importance dans sa carrière politique.
les photos sont tirées de l’article http://projects.vpr.net/becoming-bernie
Sa carrière politique, d’ailleurs, commence le 23 octobre 1971 dans le Vermont, sur fond d’opposition à la Guerre du Vietnam, au sein du Parti de l’Union de la Liberté qui était à la recherche d’un candidat pour le Sénat américain. Il prend la mission à cœur mais échoue à se faire élire. Son engagement politique remonte à son implication dans plusieurs groupes étudiants de l’Université de Chicago (the Congress of Racial Equality, the Student Nonviolent Coordinating Committee, the Student Peace Union and the Young People’s Socialist League).
Après avoir acheté une petite maison dans la campagne du Vermont, il vit de petits boulots entre New-York et le Vermont. Ce n’est qu’en 1981, que Bernie Sanders rentre véritablement dans l’arène politique, en devenant, par surprise, maire de Burlington dans le Vermont. Sa pensée politique est nourrie de Marx, Lénine et Trotsky qu’il a lus et analysés pendant ses années de fac.
Même si tout le monde s’accorde à dire que sous ses trois mandats de maire, alliant pragmatisme et idéalisme, la charmante bourgade de Burlington s’est régénérée et a vu son centre-ville revivre (il s’est attaqué notamment aux problèmes de logement, à la crise économique, aux rapports conflictuels entre police et population), Sanders ne s’intéresse pas uniquement à la politique locale et commence alors à développer ses opinions sur la politique internationale.
Il convie alors Noam Chomsky à une conférence à Burlington pour exposer la politique nord-américaine sur le continent sud-américain et soutient alors Jesse Jackson dans la course de ce dernier à l’investiture démocrate en 1988. Il en vient même à soutenir le leader noir-américain dans ses positions pro-palestiniennes alors que la première Initifada faire rage en Cisjordanie et à Gaza. “The sight of Israeli soldiers breaking the arms and legs of Arabs is reprehensible. The idea of Israel closing down towns and sealing them off is unacceptable,” (1)
A l’époque, il suggérait de couper l’aide à Israël…
Toutefois, sa position sur le conflit s’adoucira à mesure qu’il prendra plus de responsabilités politiques jusqu’à se noyer dans la rhétorique stérile et mortifère de deux États permettant la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à vivre dans un État économiquement et politiquement viable. Il se gardera bien de décrire les actions à entreprendre pour arriver à une telle « solution ».
Sur le plan national, il est élu en 1990 au Congrès des États-Unis, premier représentant indépendant élu depuis 1950. Il avait perdu contre le même candidat républicain deux ans auparavant mais Sanders est un coureur de fond…
Toujours pragmatique, son mandat au Congrès est un pot-pourri de mesures votées tantôt à gauche de l’hémicycle – contre la guerre en Irak en 1990 et en 2003, pour une couverture maladie universelle, contre les délocalisations, et tantôt à droite de l’hémicycle – il vote pour l’amendement restreignant les poursuites pénales contre les fabricants d’armes à feu (On se souvient qu’il avait été alors élu au Congrès avec le soutien de la NRA. C’est une prise de position qu’on lui reproche actuellement même s’il s’en défend).
En 2006, il décide de briguer le poste de sénateur du Vermont qu’il remporte une première fois avec 65% des votes et une seconde fois avec 71% des suffrages.
Il n’a eu de cesse alors de lutter contre les inégalités et de s’attaquer aux privilèges du 1% d’Américains les plus riches, notamment en proposant une réforme fiscale qui verrait augmenter les impôts fonciers des 3/10èmes du 1% d’Américains les plus riches.
Se dessine alors sa vison d’une Amérique où le fossé entre l’ultra-élite financière et les travailleurs se réduit avec une classe moyenne renforcée. “Our nation cannot survive morally or economically when so few have so much while so many have so little. We need a tax system which asks the billionaire class to pay its fair share of taxes and which reduces the obscene degree of wealth inequality in America,”(2). Il en fera un argument de campagne l’opposant vigoureusement à la candidate démocrate à l’élection présidentielle Hillary Clinton à qui il reproche des liens étroits avec Wall Street.
Il critique également la politique migratoire des États-Unis qui selon lui, vise à faire des immigrants des criminels en puissance qu’il faut déporter à la première occasion.
Il se bat pour une couverture maladie universelle en jouant de ton son poids en tant que représentant indépendant pour élargir le projet de loi Obamacare et obtient plus de 10 milliards de dollars pour développer des centres de santé communautaires dans chacun des 50 États.
Là aussi, en tant que coureur de fond, il se bat avec constance pour les questions qui lui tiennent à cœur, prêt à faire des compromis ou à se transformer en véritable animal politique pour faire avancer ses idées.
Et on découvre alors des parts d’ombre, notamment ses prises de position sur les questions militaires. Il a été objecteur de conscience pendant la guerre du Vietnam, s’est opposé aux différentes guerres du golfe mais est un ardent défenseur des anciens combattants.
Sur la question de l’environnement, également, ses prises de positions sont dérangeantes.
Il s’est opposé à la construction du pipeline Keystone XL dont les conséquences écologiques seraient dramatiques (pollution des sols et de l’eau, réchauffement climatique) tout en soutenant, à travers les années et les oppositions de ses électeurs, l’installation de la nouvelle génération d’avion de chasse, le F-35, à l’aéroport international de Burlington.
Or, à la suite de nombreuses pétitions d’électeurs de Burlington, une étude a été menée sur l’impact environnemental d’une telle installation dans une zone extrêmement résidentielle. Il en ressort que le principal impact sera sur la santé des résidents avec une hausse de l’exposition au bruit.(3) Les préoccupations environnementales liées à une telle installation sont également d’ordre écologique car de tels avions dégageraient, en cas de crash ou d’incendie, une énorme quantité de composants plastiques et quand on connaît les craintes relatives à la sécurité de l’avion, ces scénarii sont loin d’être théoriques(4).
On retrouve là aussi son soutien indéfectible au complexe militaro-industriel, décrié même par les Républicains, par la voix du Sénateur John McCain, “The F-35 is both a scandal and a tragedy” and is “the worst example of the military-industrial-congressional complex” (5)
Dans un e-mail qu’il a envoyé le 9 novembre 2015, Bernie soutient que “whether one likes the F-35 or not, the Air Force is moving forward with plans to replace the F-16 with the F-35. As long as the F-35 is deployed anywhere, I would rather protect the mission of the citizen soldiers of the Vermont Guard, and maintain 1100 jobs here in Vermont, rather than in South Carolina or Florida.” (6)
Son discours pragmatique, sous couvert de conserver l’emploi dans le Vermont, se colore d’accents populistes.
En mai 2015, Bernie Sanders déclare sa candidature aux élections présidentielles avec comme ambition de mener une révolution à la fois économique – contre les intérêts de Wall Street – et sociale – réduire les inégalités entre les riches et les pauvres. Il promet par exemple de rendre l’accès à l’éducation supérieure gratuite. Ce n’est pas une mesure tellement révolutionnaire dans le camp des démocrates, Obama et Clinton ayant eu l’idée avant lui. Mais, cette promesse, si elle venait à être appliquée, permettrait un accès plus grand à l’éducation et un effacement de la dette des étudiants, qui ne travailleraient plus alors pendant des années pour rembourser les banques.
Toutefois, aussi fondamentale que soit cette promesse, deux petites préoccupations émergent :
1) Sa femme, Jane O’Meara Sanders, depuis longtemps une de ses plus proches conseillères, a été pendant des années la Principale d’un établissement privé d’études supérieures à Burlington. On peut donc estimer que ses conseils en termes de gestion de l’éducation auraient pu être précieux. Toutefois, sous sa mandature, l’étudiant moyen de son établissement devait s’acquitter de $25,569 par an selon le Département fédéral de l’Éducation soit beaucoup plus qu’un étudiant d’un établissement privé comparable ($15,000) si on reprend les données du College Board, association à but non-lucratif d’aide aux étudiants américains. Enfin, à la suite de plusieurs opérations désastreuses visant désespérément à attirer plus d’étudiants (et surtout plus d’argent à travers les frais d’inscription mais aussi la générosité des anciens élèves), l’établissement de Mme Sanders s’est monstrueusement endetté et Mme Sanders a démissionné en 2011.
L’établissement de Mme Sanders s’est effectivement endetté en voulant étendre son campus et en ajoutant de nouveaux programmes afin d’attirer plus d’étudiants et plus d’argent. Son plan n’a pas marché car tout bon gestionnaire en herbe sait qu’il faut d’abord savoir faire fructifier l’existant avant de vouloir faire grossir le gâteau en contractant des prêts. Est-ce qu’une telle conseillère sur les questions d’éducation est une bonne nouvelle ?
2) Bernie Sanders n’explique pas réellement comment faire baisser les frais d’inscription à l’université dans un contexte où ces établissements, comme des entreprises, doivent toujours créer le désir avec un plan marketing solide et des avantages compétitifs. Bernie Sanders campe sur une position qui revient à dire « la gratuité pour tous ». Son plan prévoit un financement à hauteur de 47 milliards de dollars par le gouvernement fédéral et de 23 milliards de dollars par les États. Il explique alors que ces 47 milliards de dollars seraient financés par une taxe « Robin des Bois » sur les transactions financières.(7) En revanche, rien n’est conseillé aux États pour aller chercher ces 23 milliards de dollars. Est-ce que cela ne va pas créer une disparité encore plus grande entre les États ?
En matraquant les foules à coups de slogans particulièrement séduisants et d’idées nobles – fin des inégalités, éducation pour tous, couverture maladie universelle, réforme pénale et carcérale, contrôle des armes à feu, justice alimentaire… – sans proposer concrètement de plans de mise en place et en ne montrant pas l’exemple dans sa propre circonscription, Sanders n’est-il pas un homme politique ordinaire, pragmatique et populiste loin du révolutionnaire socialiste dont il tente de revêtir l’habit ?
Même si face à un Martin O’Malley dont la gestion de Baltimore fut une catastrophe et à une Hillary Clinton malhonnête et dont les convictions évoluent selon les montants apportés par les différents lobbys, Sanders demeure la meilleure alternative, gardons-nous de l’idolâtrer en lui prêtant des qualités qu’il n’a clairement pas.
(1) “La vue de soldats israéliens brisant les bras et les jambes d’Arabes est condamnable. L’idée qu’Israël puisse condamner des villes entières et ordonner leur bouclage est inacceptable”
(2) ” Notre nation ne peut pas survivre moralement et économiquement quand si peu de personnes possèdent autant et que tant de personnes possèdent si peu. Nous avons besoin d’ un système fiscal qui oblige la classe de milliardaires à payer son juste écot et qui réduise le niveau obscène d’inégalité de richesse aux États-Unis”
(3)“On prévoit que les impacts environnementaux les plus significatfs relatifs à l’installation de la flotte F-35 à Burlington soient liés au bruit généré par l’utilisation des ces avions” http://www.158fw.ang.af.mil/shared/media/document/AFD-140516-064.pdf
(5) “l’avion F-35 est à la fois un scandale et une tragédie” / “C’est le pire exemple de la relation du Congrès américain avec le complexe militaro-industriel” / http://gui.afsc.org/birddog/bernie-sanders-lockheed-martin-f-35-jets-vermont / http://www.stopthef35.com/
(6) « quelques soient les critiques à l’encontre du F-35, l’Armée de l’Air poursuit le remplacement des F-16 par les F-35. Tant que les F-35 seront déployés quelque part, je préfère qu’ils le soient ici dans le Vermont plutôt qu’en Caroline du Sud ou en Floride » http://www.stopthef35.com/vermonts-opposition-to-the-f-35-reported-on-by-international-news-company-al-jazeera-america/
(7) http://www.sanders.senate.gov/download/collegeforallsummary/?inline=file
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