On le sait, il y a 640 000 ans, une énorme explosion volcanique amorça la création de Yellowstone tel que nous le connaissons. En effet, le plateau de Yellowstone à 2 400 mètres d’altitude est recouvert de lave et connaît toujours une intense activité souterraine qui donne lieu aux phénomènes géologiques déjà évoqués dans les précédents articles. La fine couche terrestre repose sur un magma en fusion. Lorsque nous débutons cette troisième journée sous une fine brume, nous avons un peu de mal à imaginer le long feu continu qui s’agite sous cette caldeira.
Nous rencontrons dès notre entrée dans le parc, dans les prairies qui longent la Madison River, des biches (femelles des élans). Elles sont des habituées de ces vertes herbes et ce matin, elles nous offrent un émouvant spectacle : un petit daim se nourrit au sein de sa maman.
Je vais avoir le sentiment diffus chaque fois que nous observerons les animaux sauvages d’être un intrus et de déranger inutilement et égoïstement leur vie tranquille. A plusieurs reprises, nous croisons des attroupements de touristes avec jumelles, objectifs longs comme le bras et trépieds qui guettent le moindre mouvement de la faune.
Le but de notre journée est de découvrir les Mammoth Hot Springs (les sources d’eau chaude du Mammouth) au nord-est du Parc. En chemin, nous nous arrêtons à Nymph Lake. Point d’esprit féminin enchanteur ici mais une référence, semble-t-il, aux jeunes insectes qui pullulent autour du lac. Ce lac est alimenté par les eaux chaudes de la source de la poêle à frire (Frying pan spring) et entouré d’une vaste zone thermale balisée de modestes geysers et de fumeroles. Le lac est un arrêt serein, un peu hors du temps.
Nous continuons jusqu’à Indian Creek et Sheepeater Cliff. Cette formidable formation de lave vieille de 500 000 ans (les colonnes se sont formées au moment du refroidissement de la lave) doit son nom à la Nation Shoshone qui vivait dans cette région et qui consommait des moutons Bighorn. Le coin est bucolique avec une petite rivière qui vient caresser les pieds de cette étrange colline.
La route est longue vers le nord du Parc donc nous reprenons sans tarder notre trajet jusqu’au Golden Gate qui est un col de montagne. Il a fallu beaucoup d’énergie et de main d’œuvre pour construire la route qui permet aujourd’hui de franchir ce col. Le pont, construit en 1885 commençait à être dangereusement instable en 1900 et une carriole tirée par des chevaux pouvait à tout instant basculer dans le vide. Le pont fut consolidé en 1933 et en 1977. La route est étroite, nous manœuvrons avec prudence notre camping-car, et permet d’admirer de superbes cascades.
La route débouche sur le Mont Bunsen dont la végétation a été en partie décimée par l’incendie de 1988. Les botanistes et les rangers s’accordent à dire que cet incendie, aussi dramatique fut-il, a permis une certaine régénérescence de la végétation et une dispersion des graines qui sont allées fleurir dans des zones désertées. C’est le cas notamment des Lodgepole Pine Trees (doit son nom en anglais au fait que les peuples indigènes des Plaines utilisaient les troncs de ces arbres pour construire leur tepee). On distingue donc plusieurs nuances de verts, du vert tendre des jeunes pousses au vert profond des patriarches dont l’écorce est porteuse de tant de mémoire.
Une fois le col passé, nous distinguons le village de Mammoth Hot Springs, les anciens baraquements de l’armée transformés en maisons pour rangers. Mais, au-delà du restaurant au charme suranné, le clou du spectacle est clairement les sources d’eau chaude dont les écoulements millénaires chargés d’acide ont patiemment forgé la terre en terrasses. Nous sommes à 1900 mètres d’altitude.
L’entrée du site est marquée par un étrange monolithe, le Liberty Cap, nomme ainsi car sa forme rappelle (vaguement) celle des bonnets phrygiens des révolutionnaires français. Il s’agirait en fait une source d’eau chaude endormie.
Le paysage est minéral. Les quelques arbres qui subsistent ne bourgeonnent plus, asphyxiés par le carbonate de calcium déversé par l’eau chaude. La source de Jupiter en est un exemple frappant. Sur une photographie de William Henry Jackson, reproduite sur un tableau explicatif, on voit clairement qu’en 1872, les frêles arbres sont complètement submergés et n’ont pas résisté. Le paysage de cette source dormante est lunaire. Toutefois, si elle demeure dormante pour encore quelques années, les arbres et les fleurs reviendront égayer ses sols.
Au fil des années, les flots d’eau ont déposé au fond de petites rigoles et de petites piscines des particules appelées travertin. Ces dépôts fixent les bactéries thermophiles et des algues colorées donnant à l’ensemble un aspect surnaturel.
Baby Boy conclue ainsi notre visite des Mammoth Hot Springs: “ne serait-ce que pour ces paysages, Yellowstone vaut le coup”.
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à Obsidian Cliff qui témoigne du haut de ses 61 mètres de l’activité volcanique de Yellowstone. Obsidian Cliff est le résultat d’une formidable coulée de lave, il y a 100 000 ans, se déversant sur toute la vallée. La lave était extrêmement chaude, fluide et capable de refroidir rapidement. Cette capacité n’a pas permis aux minéraux de se fixer, ce qui aurait eu pour conséquence de générer cette roche dure d’un noir brillant. Les peuples des Premières Nations, dans les Grandes Plaines, utilisaient cette roche pour créer des outils de chasse comme des têtes de flèches dans une région riche en gibier (bisons, cerfs ou moutons bighorn). Cette roche était certainement prisée lors d’échanges commerciaux car des chercheurs en ont trouvé dans une sépulture indigène en Ohio.
Faisant face à Obsidian Cliff, une colline de roche volcanique couverte de pins, s’enorgueillit de ses vénérables 640 000 ans. A ses pieds, s’écoule lentement un adorable petit ruisseau qui vient alimenter une prairie appréciée des élans.
Nous dépassons ensuite Roaring Mountain, petite colline volcanique animée de joyeuses fumeroles, dégageant une forte odeur de soufre et habitée de milliers de petites bactéries thermophiles s’égayant dans ce mélange d’acide sulfurique et de glaise.
Nous concluons notre journée par un petit passage au belvédère de Norris Basin où nous admirons le coucher du soleil et le moment où les fumeroles se confondent avec les nuages.
Encore un super article qui nous fait voyager avec vous..👍🤗😘
Merci beaucoup pour ce commentaire et tes encouragements