Nous avons quitté Bryce Canyon en avance sur notre calendrier car nous avions le sentiment diffus qu’il y avait d’autres merveilles à explorer et que nous avions déjà bien parcouru ce Parc National.

En scrutant la carte de la région, Baby Boy a mis son doigt sur un petit Parc d’Etat – Kodachrome Basin State Park. Si son nom est d’une quelconque indication, on devrait y voir plein de couleurs.

Nous arrivons à l’entrée de cette zone préservée par une petite route en terre. La guitoune des rangers nous parait neuve et moderne. Nous apprendrons par la suite, en contemplant les douches mises à la disposition du public, que les services du Parc ont été entièrement rénovés l’année passée.

Le ranger, jeune blond trapu, semble enthousiaste de nous voir et nous vante les mérites du Parc. Hésitants à y passer plusieurs nuits, nous ne réservons qu’une première nuit. Nous avons le choix entre un emplacement proche de l’entrée et avec tous les branchements nécessaires ou un emplacement plus rustique sur l’aire réservée aux groupes.

Le Ranger m’assure qu’ils n’attendent pas de groupes. Comme nous préférons être au cœur de la nature et que nous avons fait le plein d’eau claire au camping de Bryce Canyon, nous optons pour le camping primitif. 

Une fois le camping-car garé, nous compulsons les dépliants généreusement offerts par le ranger. Il semble que nous ayons fait le bon choix. Tout contents de notre découverte, nous partons explorer les environs de notre nouveau terrier. Pile en face de nous se trouvent deux modestes chemins de randonnée. Ce sont deux parfaites introductions au Parc.

Le Parc doit son nom à des reporters du National Geographic, impressionnés par les couleurs et les nuances du Parc constamment en changement. En 1949, avec le consentement de la Compagnie Kodak, ils ont donné ce nom à la zone ainsi protégée. Plusieurs aspects du Parc sont fascinants. Le plus frappant car il dessine l’horizon du Parc est la multitude des monolithes qui ponctuent le paysage. Plusieurs théories tentent d’expliquer ce miracle géologique. Une chose est sure c’est que ces tours de sédiments rendent ici le paysage unique. Leur obscure origine ne fait qu’accentuer le voile de mystère qui les entoure.

Il y a 5 sentiers de randonnée qui permettent de savourer la beauté multiple de Kodachrome Basin State Park. Nous commençons notre exploration par le Nature Trail dont les panneaux explicatifs qui le jalonnent nous offrent une belle introduction. C’est un sentier de 800 mètres sans aucune difficulté. Nous sommes accueillis par un lièvre de Californie (Blacktailed Jackrabbit) aux longues oreilles ourlées de noir. Il sautille au milieu des herbes sèches, des yuccas et des cactus qui portent encore leurs fruits. Les phalènes pullulent autour des yuccas, les pollinisent et s’y nourrissent.

Nous empruntons ensuite le Angel’s Palace Trail dont le départ est exactement en face du Nature Trail.

Ce sentier de randonnée a un minuscule dénivelé et ses 2,4 kilomètres semblent être une bonne introduction la région car on nous promet des vues sur Bryce Canyon et Grand Staircase Escalante.

Kodachrome Basin est né il y a 180 millions d’années de l’union de forces naturelles. Là, des rivières aux flots déchainés ont précédé ce désert apparemment paisible. Les différentes couches sédimentaires aux couleurs multiples révèlent une histoire agitée. L’un des exemples récents de cette histoire est la disparition en 2019 de l’arche de Shakespeare dont l’érosion, à l’origine même de son état,  a eu raison de son existence.

Nous croisons plusieurs plantes. A 1800 mètres au-dessus du niveau de la mer, les plantes doivent faire preuve d’ingéniosité pour survivre dans cette étendue désertique, écrasée de chaleur, comme nous nous en rendons compte assez vite à mesure que nous approchons du zénith.

Nous retrouvons nos adorables genévriers d’Utah, les buissons de Mormon Tea, les élégants yuccas mais nous découvrons aussi des Shépherdies – sortes de petits arbustes aux branches et feuilles très serrées et des Cleome Lutea – d’adorables petites fleurs d’un jaune pétillant.

Ces plantes ont de toutes petites feuilles et nous apprenons qu’elles sont recouvertes d’une sorte de cire qui les empêche de s’assécher pendant la journée. Des pores – stomata – s’ouvrent une fois la nuit venue et absorbent l’humidité emprisonnée par la cire. Inutile de préciser que ces plantes ont également développé un complexe système de racines qui descend à plusieurs mètres sous la terre.

A part quelques lézards, nous ne croisons hélas pas les coyotes ni les lynx que le dépliant du parc nous promet. Mais le paysage satisfait amplement notre curiosité et n’en finit pas de nous émerveiller.

Nous terminons la journée par le Grand Parade trail, un sentier de 2,4 kilomètres d’où on aperçoit deux petits canyons.

Nous remarquons des traces de mains multiples enfoncées dans la terre sur les murs d’une grotte. Le ranger nous dira plus tard que c’était une sorte de coutume pour les premiers colons d’apposer la paume de leurs mains sur les formes géologiques qu’ils « découvraient ». Aujourd’hui, nous plantons des drapeaux.

Nous avons l’impression d’être complètement seuls dans cette immensité. De retour au camping-car, nous entendons parfois des éclats de voix de campeurs venus profiter des douches mises à disposition par le parc. Des lumières filantes de phares éclairent sporadiquement la nuit.

Nous décidons de rester une nuit de plus et nous profitons allègrement des douches à l’italienne mises à disposition par le Parc. Nous sommes loin du confort spartiate et étroit de notre cabine de douche en plastique du camping-car !

Notre deuxième journée est consacrée à la découverte de deux sentiers de randonnée :

  • Panorama Trail
  • Shakespeare Trail et Sentinel Trail

Mais d’abord, retour à la guitoune du ranger à qui je chante mon amour de ce parc et lui demande avec un grand sourire si nous pouvons rester une seconde nuit. Tout aussi souriant, il nous accorde une seconde nuit au paradis.

Le Panorama trail étend ses ramifications dans tout l’ouest du parc et propose quelques arrêts pour découvrir des merveilles géologiques. Ses 9,7 kilomètres permettent également de côtoyer de près ces fameuses colonnes de roche dont celle de la Ballerine. J’avoue avoir du mal à distinguer les pieds en pointe. Mais l’élégance d’un petit rat d’opéra est indéniable. Nous croisons également d’autres étranges formations rocheuses, plus ocres, à la forme de termitières. Il y a également des petites grottes et la plus célèbre d’entre elles est la Cool Cave. Elle tient bien les promesses de son nom car nous nous y délectons de sa fraîcheur à l’abri d’un soleil particulièrement en forme ce jour-là.

Elle se mérite aussi car elle se situe à la toute fin du sentier. Nous nous éloignons de la boucle (tout en restant sur les sentiers) et nous grimpons jusqu’au Panorama Point. L’étendue déserte devant nous est bien vivante et change de couleur sous les effets du soleil et du ballet des nuages.

Nous profitons du coucher de soleil en dînant dehors et en attendant la fin de la lessive. La mélodie du vent dans les feuilles des arbres accompagne nos conversations.

La démonstration du nom du Parc se fait sous nos yeux.

La découverte de ce petit bijou nous remplit de joie.

Le matin de notre départ du Parc, je me réveille à l’aube et assiste au réveil de la nature au son du chant d’un merveilleux petit oiseau haut perché dans un arbre.