Nous quittons Pipe Spring et faisons route vers l’ultime grande étape de notre road trip : LE GRAND CANYON.

La route est peu fréquentée et les paysages mythiques de l’Ouest américain s’étendent devant nous. Seul un renard gris court dans les herbes arides.

Dans mon inconscient, le Grand Canyon fait partie du trio des Grands Parcs Nationaux américains avec Bryce Canyon et Zion et j’ai terriblement peur d’être déçue par des magnifiques paysages gâchés par une cohue humaine.

Mais comment être déçu par le Grand Canyon ? Je n’en ai pas la moindre idée car ce fut pour moi un éblouissement permanent. La flore y est fascinante, la faune y est troublante (rive sud), le minéral y est époustouflant et l’histoire y est touchante.

Cette prouesse ahurissante de la nature qu’est le Grand Canyon a été possible grâce au fleuve Colorado et l’eau reste la force naturelle la plus puissante dans le Parc.

Aujourd’hui, la couleur du fleuve Colorado oscille entre le brun profond et le vert émeraude. Mais, il fut un temps où il était rouge vif. Il perd sa couleur écarlate à cause des barrages en amont qui retiennent les sédiments.

 Le fleuve s’étire sur 446 kilomètres entre le début (le site de Lees Ferry) et la fin du Grand Canyon (Grand Wash Cliffs) mais il prend sa source dans les Rocheuses et se jette dans le Golfe de Californie au Mexique (d’ailleurs la gestion de l’eau du fleuve entre les USA et le Mexique est particulièrement contentieuse). Hélas, il s’assèche chaque année, notamment à cause de l’utilisation industrielle de son eau par les régions qu’il traverse.

Comme ses confrères, Zion, Bryce, Arches, Capitol Reef et Canyonlands, le Grand Canyon fait partie de l’ensemble géologique du plateau Colorado. C’est un territoire de roches sédimentaires plutôt plates qui, au fil des années (au cours d’environ 6 millions d’années), se sont élevées à plusieurs milliers de mètres au-dessus du niveau de la mer et ont été patiemment sculptées par l’érosion.

Même s’il est bien établi que le Grand Canyon est né de l’érosion causée par le fleuve Colorado, ses origines précises sont encore floues. Ce qui ajoute peut-être encore à la magie du lieu.

Contrairement à des zones plus boisées, ici, l’eau n’est pas complètement absorbée par la terre et préfère s’écouler en emportant au passage des cailloux et des sédiments. En hiver, lorsque l’eau gèle puis au printemps quand elle dégèle, cela provoque des fissures et parfois des chutes de roches, dessinant chaque année un nouveau paysage. Peu à peu, le canyon s’agrandit et change de visage. Selon qu’il s’agit de pierre argileuse ou de grès ou encore de calcaire, l’érosion n’agit pas de la même façon.

Au-delà des formations géologiques remarquables, la palette des couleurs est formidable, changeant selon la nature du ciel, l’heure de la journée mais aussi la nature de la roche et de la présence ou non d’oxyde de fer. Nous avons eu la chance d’assister à la fois à des levers et à des couchers du soleil et l’aventure est émouvante.

Avec près de 2 500 mètres d’altitude et plus de précipitation que la partie sud, la végétation de la partie septentrionale du Canyon est plus dense. En effet, la partie nord s’élève à 305 mètres de plus que la partie sud et reçoit deux fois plus de pluie. On y trouve les pins Ponderosa, les élégants Trembles et des épicéas.

En termes de faune, l’histoire est plus compliquée. Les premiers colons débarquant sur la rive nord du Grand Canyon avaient comme priorité d’assurer leur sécurité et celle de leur bétail et de préserver le gibier local. Ils ont donc entrepris d’abattre les principaux prédateurs comme les loups (qu’ils ont définitivement rayés de la carte), les pumas et les lynx. Cet assaut désastreux contre la biodiversité a provoqué une surpopulation des cerfs qui ont surconsommé les plantes natives. Pour des centaines d’entre eux, ils ont même provoqué une famine qui les a décimés.

On nous promet toutefois des rencontres avec des lynx, des pumas, des condors, des dizaines d’espèces d’oiseaux, des écureuils des rochers et autres ratons.

Je suis surtout fascinée par la végétation, la géologie et l’histoire du Canyon car d’êtres vivants nous n’avons croisé la route que d’un corbeau et d’un papillon.

Pour une première mise en jambe, nous parcourons le sentier de Bright Angel Point. S’il est court, il permet quand même de capturer une vue spectaculaire du Canyon. Nous continuons par le sentier de Nature Trail, petite balade d’un kilomètre et demi qui comme son nom l’indique permet de découvrir la flore de la région.

Nous terminons la première journée par la randonnée du transept (4,8 kilomètres). Le sentier est bordé de fleurs roses, bleues et jaunes. On découvre alors un canyon adjacent au Grand Canyon.

Le second jour est consacré à l’exploration de la partie orientale du parc jusque Cape Final. Nous crapahutons sur le sentier de Cape Final (6,8 kilomètres) et les vues du Canyon sont extraordinaires. Au retour, nous nous arrêtons au belvédère de Walhalla.

Là, nous apprenons la présence ancestrale des Anasazi. En tout, près de 52 sites anasazi ont été recensés dans la zone. Seuls 10 ont été complétement explorés et la plus grande maison aurait compté 25 pièces. Les archéologues ont également retrouvé des outils, des ustensiles agricoles et des armes de chasse. La majorité de ces découvertes a été faite dans le Delta Unkar (mot paiute pour désigner la roche rouge) qu’on aperçoit depuis Cape Royal à côté du belvédère.

Vestiges anasazi

Les fermiers Anasazi faisaient très régulièrement le voyage du delta vers la rive nord, passant leurs étés sur la rive nord et le reste de l’année dans le canyon. Il leur fallait, semble-t-il, deux bonnes journées – harassantes – pour clore l’excursion. C’est aujourd’hui un peu compliqué à imaginer mais le peuple Anasazi cultivait des légumes et des légumineuses sur les terrasses au fond du canyon profitant de la proximité de l’eau. Sur la rive nord, ils chassaient le gibier et cueillaient des plantes médicinales ou des baies pour compléter leur régime alimentaire. L’hiver, la neige sur les hauteurs les chassait vers les profondeurs du canyon, dans le delta.

Gooseberries

Les archéologues estiment que le peuple Anasazi (ancêtre du peuple Hopi actuel) a quitté le canyon en 1150. Ils émettent l’hypothèse qu’une réduction des précipitations a forcé leur départ, l’activité agricole devenant plus compliquée.

En s’approchant de Cape Royal, on remarque que la végétation change. De larges étendues de buissons de sauge couvrent le sol, des pins pignon les encadrent, de délicates purshia égayent le tout.

L’apothéose est le coucher de soleil grandiose à Cape Royal après un détour par Angel’s Windows.

Cape Royal