Avoir une autorisation de travail aux États-Unis c’est un peu le Graal. Plusieurs sites internet permettent d’entrevoir l’espoir de travailler un jour à New York et de mener la vraie vie d’un New-Yorkais mais le parcours est long et compliqué.
Après avoir obtenu un visa qui permet de travailler (type E2 ou L2 pour les conjoint(e)s des personnes expatriées) soit vous passez par le site Internet des Services américains de l’immigration et de la citoyenneté et il faut remplir le formulaire I-765 et payer 380$ et vous pouvez être convoqué à un entretien soit vous vous offrez les services d’un avocat. Dans les deux cas, on finit par recevoir un formulaire I-797C qui vous prévient qu’une action a été entreprise auprès de l’administration américaine pour votre demande d’autorisation de travail. A partir de la réception du premier formulaire I-797C, il faut compter entre deux et trois mois pour recevoir le second formulaire I-797C qui vous annonce qu’Oncle Sam consent à ce que vous travailliez dans son pays. Il faut ensuite attendre la carte d’autorisation de travail elle-même. Il s’agit d’une carte de la taille de la carte de fidélité de votre magasin préféré et ce n’est peut-être pas anodin…
Pendant deux ou trois mois, vous avez profité à fond de ce que New-York pouvait vous offrir en expliquant mi-contrite mi-satisfaite finalement que « non, vous ne travaillez pas car vous attendez le fameux sésame de l’administration américaine vous permettant de travailler ». Vous courez les musées, profitez du soleil sur Roosevelt Island, regardez amusée les couples de touristes se baladant en calèche dans Central Park, faites du lèche-vitrine sur la 5ème Avenue et assistez à des conférences au Schomburg Center de Harlem.
Et puis, le sésame arrive. Vous êtes ravie car cela valide une étape supplémentaire de votre expatriation et annonce une nouvelle phase de votre vie new-yorkaise. C’est aussi le début de l’angoisse : comment s’y prendre, est-ce que le CV en anglais est correct et la cover letter (lettre de motivation) que vous customisez à l’envi est-elle convaincante ? Heureusement, des amis vous conseillent et réécrivent avec vous ces deux piliers de la recherche d’emploi.
Pour trouver un travail, vous lisez partout qu’il faut avoir un réseau. Or venant de débarquer à New York, il n’est pas aisé de se faire un réseau même en s’inscrivant à tous les clubs Meet-up de la création. Alors, j’ai souscrit à plusieurs sites de recherche d’emploi et ce n’est plus Facebook que je lis chaque matin au saut du lit mais les e-mails de Monster ou de Climber.
Premier constat, comme le Graal, les offrandes se reproduisent sans cesse, je reçois par jour au moins 3 e-mails d’offres d’emploi. Je réponds en moyenne à 4 offres d’emploi par jour, chaque jour. Je reçois également, de manière étrange parce que répétitive des sollicitations de Compagnies d’Assurances qui voient en moi leur prochain représentant. M’imaginer en complet-veston marron avec une mallette du même marron crasseux suffit à me donner des sueurs froides.
Deuxième constat, sauf si je veux brandir des panneaux publicitaires aux coins des rues ventées avec bonnet de ski et chaussures de marche ou servir les verres d’eau et débarrasser les tables dans un restaurant, le mythe qui voudrait qu’on trouve un emploi dès notre descente de l’avion ne tient pas.
Troisième constat, l’expérience n’est pas vraiment valorisée ici. Pour un poste de Responsable RH dans une entreprise de taille moyenne, je n’ai vu que des offres demandant un diplôme d’Associate (Deug) ou de Bachelor (Licence) et 3 ans d’expérience en moyenne. Les recruteurs rencontrés affirment comme un mantra « we value attitude over skills » (nous valorisons plus l’attitude que les compétences – ce qui me paraît assez sain et porteur d’espoir). Sauf que pour le moment, j’essaie de me rattacher à ce que je maîtrise, c’est-à-dire mes compétences et mes années d’expérience.
Quatrième constat, en regardant les CV LinkedIn des personnes me recevant en entretien, je me rends compte qu’avec mes 10 ans d’expérience dans une seule et même grande entreprise de cosmétiques je suis au mieux un ovni. Les personnes rencontrées ont construit leur carrière avec des expériences successives de 2 ans maximum en changeant très souvent d’entreprise et de job. Le changement culturel doit là aussi s’opérer.
Quand enfin, vous avez un signe après tant de bouteilles jetées à la mer, il se matérialise par un mail d’une phrase, précédée d’un chaleureux Hello !: « dites-moi le jour et l’heure auxquels je peux vous contacter. »
Après avoir esquissé quelques pas de la danse de la victoire dans votre salon, votre première réaction est de dire : « je cherche du boulot, je suis libre comme l’air ». La deuxième réaction est qu’avec le recul, vous vous sentez soulagée car cela vous laisse du temps pour compulser toutes les infos possibles et inimaginables sur l’entreprise en question. On a alors l’impression d’avoir le pouvoir : c’est à vous de choisir le moment où vous passerez sous le feu des questions de celui qui détient votre avenir entre ses mains.
Vous retournez dix fois dans votre tête la phrase de réponse. Vous appelez même Baby Boy à la rescousse : « Si je dis que je suis libre toute la matinée demain, ça ne fait pas trop glandeuse ? ».
Vous vous rendez vite compte qu’il faut finalement fixer une heure précise au recruteur américain.
Ce que vous finissez par faire quand à 11h du matin, en pyjama et pas lavée de peur de louper LE coup de fil, vous n’avez toujours pas reçu d’appel.
Recent Comments