Avant de quitter Cody, nous décidons de visiter The Buffalo Bill Center of the West. C’est un musée composé de cinq principales galeries: Nous évitons soigneusement la galerie consacrée aux armes à feu. Ayant quitté Yellowstone quelques jours auparavant, nous négligeons également la galerie consacrée à ce Parc. Enfin, nous n’avons pas le temps pour le coin dédié au Western Art – comprendre l’art de l’ouest des Etats-Unis.
Nous passons en revanche du temps dans la galerie célébrant la culture des Nations natives des Plaines et parcourons rapidement celle exposant plusieurs artéfacts liés à Buffalo Bill. Les statues, disposées à l’extérieur du Musée, de Little Turtle (ou Mihšihkinaahkwa) grand guerrier de la tribu des Miamis ou d’un Medecine Man anonyme en prière ou encore de Sacagawea de la tribu des Shoshonis qui fut semble-t-il l’interprète de Lewis et Clark lors de leurs premières expéditions, laissent présager une exposition respectueuse des us et coutumes des Premières Nations.

Un premier panneau explique que le qualificatif « Indiens » dont on les affuble souvent demeure utilisé pour désigner les Premières Nations, même si des lois dans les années 60 et 70 ont officialisé le terme de Native Americans. Personnellement, j’ai énormément de mal avec le terme « Indiens » car c’est un mot forgé par le colon européen qui croyant se rendre en Inde accoste sur les rivages nord-américains. Ce terme nie aussi le fait indiscutable que ces populations sont les indigènes de ce territoire.
Un second panneau nous explique que les expositions du Musée retracent la vie et les mœurs des différentes Nations du territoire depuis la moitié du XIXème siècle jusqu’à nos jours donc rien sur leur vie avant la colonisation en masse comme si les quelques 670 tribus nord-américaines n’existaient pas avant l’arrivée de l’homme blanc.
Un troisième panneau nous décrit les grands changements culturels à l’œuvre à l’échelle de l’humanité pour nous informer qu’au XIXème siècle les tribus des Grandes Plaines en subissent de profonds. « Leurs libertés fondamentales ont été criminalisées, telle la liberté de culte, la propriété foncière, l’utilisation de langues natives, la citoyenneté, le droit de voter, la liberté de mouvement. »
J’avais déjà remarqué que les institutions culturelles ou éducatives américaines usaient et abusaient de la voie passive pour conter les méfaits de leurs ancêtres colons. Là, deus ex machina, les peuples des Grandes Plaines se sont vus asservir, déporter, exterminer sans coupable.
Une chose que j’ai apprise cependant est que le chien était un compagnon de ces tribus. Ils servaient de vigies et accompagnaient les chasseurs dans leur quête. Ils étaient également utilisés pour tirer sur de longues distances les travois des membres des tribus. Une fois que les chevaux ont été introduits sur le territoire de manière définitive, les chiens ont continué à charrier des charges légères.
Il y a des artefacts émouvants comme une série de cartes de rationnement utilisées en 1905 par les Inono’ei (les Arapahos du nord de la Réserve de Wind River dans le Wyoming). Les tribus étaient déportées sur des terres hostiles qui leur étaient inconnues. Les agents du gouvernement leur interdisaient de chasser et leur fournissaient des rations de nourriture infâme quand ces dernières étaient bien livrées aux Réserves. Ces mêmes agents leur fournissaient des cartes de rationnement alors même que les individus appartenant à ces tribus connaissaient depuis des générations les cycles de la nature, possédaient un savoir inestimable sur la chasse et la cueillette et étaient parfaitement autonomes et en harmonie avec la nature.
Le portrait chatoyant de Sacheen Littlefeather par Louis Still Smoking de la tribu des Amskapi Pikuni (Blackfeet) est particulièrement touchant, je trouve. Sacheen Littlefeather était une actrice et une activiste indigène. Elle avait refusé, au nom de Marlon Brando, l’oscar du meilleur acteur pour le film The Godfather. Elle avait alors lu un texte de l’acteur dénonçant les stéréotypes racistes d’Hollywood à l’encontre des populations indigènes et portant la lumière du projecteur sur l’occupation de Wounded Knee par environ 200 Oglalas. Ces militants Oglalas voulaient ainsi dénoncer la brutalité du Président du Conseil tribal. Ils s’étaient organisés en autogestion en créant des cantines collectives et une clinique. Ils furent très vite encerclés par plus de 2 000 agents du FBI et le siège dura plus de 2 mois.

Nous quittons Cody non sans avoir parcouru rapidement la galerie consacrée au personnage paradoxal et controversé de Buffalo Bill (de son vrai nom William Frederick Cody), à la fois « tueur de natifs » et grand admirateur de Sitting Bull qu’il fit participer à son show national. On demanda à Buffalo Bill de convaincre Sitting Bull de se rendre après des échauffourées au sein de la Réserve de Standing Rock. Buffalo Bill n’arriva pas à temps pour empêcher l’assassinat de son ami par le Major McLaughlin qui avait une sacrée dent contre le chef des Lakotas.
De cette dernière galerie, Demi-Portion ne retiendra que les massifs bisons empaillés et le nom de Buffalo Bill qu’elle ressortira à l’envi et hors contexte lors de la suite du voyage.
Nous nous mettons en route pour Devil’s Tower. Etant dans le Wyoming et notre camping-car arborant fièrement à l’arrière une photo de Devil’s Tower, on s’est dit que ce serait bête de ne pas y aller. 5 heures de route tout de même.
Nous faisons halte pour la nuit dans la Bighorn Forest. C’est une Public Land donc on a le droit d’y camper gratuitement à condition de respecter la nature. Nous trouvons un endroit où les roues de notre camping-car ne feront pas courber trop de brins d’herbe et nous prenons l’apéro devant le coucher du soleil.

Je commence à apprécier la liberté de pouvoir modifier nos plans simplement en découvrant sur la carte ou dans un guide un endroit plaisant à explorer et c’est surtout sur ce segment-là du roadtrip que nous commençons à le faire. Certainement qu’après déjà plusieurs semaines sur la route, nous devenons un tout petit peu nomades.
Tres bon article comme d’habitude. Intéressant et instructif 👍👏