Je retrouve Paris dans un mélange d’excitation et de crainte.
Vais-je retrouver la ville complètement différente après ce qu’elle a vécu ? Paris est ma ville, je la connais par cœur et elle a été meurtrie. Portera-t-elle les stigmates des attaques portées contre elle ou telle une galante, se dore-t-elle encore pour être adorée, comme l’écrivait Baudelaire ?
Je retrouve Paris et mes réflexes reviennent peu à peu, mes yeux se réhabituent à sa beauté, mes papilles à son goût si particulier. Tout me paraît familier, ses trottoirs, ses façades d’immeubles bourgeois, ses ponts majestueux ou résolument modernes, l’agitation autour des grands magasins, les lumineux grands boulevards, la magnifique Place de l’Opéra, ses longues avenues un peu froides du 13ème arrondissement, les murs colorés du quartier de l’Ourcq, l’agitation de la Place de Clichy et mon tendre 18ème arrondissement et le marché du boulevard Ornano.
Je paresse dans ses bras, je la regarde vivre d’un œil bienveillant et hélas un peu inquiet. En arrière-fond, les propos de mes amis se ressemblent et évoquent tous les attentats et la peur. A Saint-Denis, venue rejoindre ma sœur pour une visite de l’exposition « Les grandes robes royales » à la Basilique, je prends une fois encore la mesure de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine et donc de notre futur mais aussi de la peur, pesante, gravitant autour de nous comme une étoffe invisible et pourtant étouffante. Et si jamais… Ce si, implacable possibilité d’un drame ne nous quitte pas.
Je reconnais tout, mes pieds avancent confiants (enfin à un moment, j’ai dû quand même rappeler à mon esprit qu’ici nous n’étions pas à NY et que personne ne ramassait les déjections de son chien), mes yeux caressent la pierre des immeubles, mon palais se régale de nos merveilles culinaires : le foie gras, le fromage, le champagne, les macarons, les flans aux œufs.
Je suis bien et Paris est debout. Mon corps et mon esprit retrouvent Paris comme une habitude, une belle habitude, une habitude réconfortante, comme un amant longtemps aimé, complice et dont on connaît toutes les malices. On ne quitte pas Paris, on y revient.
Me voilà au bar Top of the Strand, face à l’Empire State Building, la verrière est ouverte. Un peu ivre, joliment grise, l’air frais me donne des frissons. Je suis bien, enfoncée dans le moelleux de la banquette. Autour de moi, il n’y a que des couples, je suis seule, mon amie vient de partir rejoindre son mari dans un restaurant de Midtown. Avant de rejoindre Baby Boy Downtown pour une soirée, je profite de ces quelques instants à arrêter le temps. Je réalise ma chance d’être là, à Manhattan, de profiter ainsi de la vie, d’être là où je voulais être depuis tant de temps. Ce petit moment de bonheur suspendu. C’est la pleine conscience de tous ses sens, comme lors d’un premier baiser, du premier frôlement de deux peaux étrangères et pourtant si intimes tout d’un coup.
New York est mon nouvel amant. Parfois indifférent, quelque fois incompréhensible, souvent surprenant, maintes fois tendre, New York s’apprivoise.
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