24 avril – Après avoir suggéré, face à une Dr Birk consternée ( médecin participant à la task force de la Maison Blanche contre le Coronavirus), que s’exposer au soleil et aux lumières UV pendant plusieurs heures tuait le virus tout comme ingérer ou s’injecter du désinfectant, Trump tweet qu’il ne participera plus aux briefings de la Maison Blanche sur le sujet en affirmant que c’est une “perte de temps et d’énergie”. En effet, il a semble-t-il mal supporté les attaques dont il a fait les frais après de tels propos. Même Fox News – sa chaîne préférée d’infos – l’a critiqué. Il refuse d’ailleurs de porter la responsabilité de ses propos et s’étonne de la recrudescence des appels aux centres anti-poison.

Ces propos poussent les compagnies de produits d’entretien à publier des communiqués appelant les consommateurs à ne surtout pas ingérer ni s’injecter leurs produits.

Visiblement Trump n’a pas lu la petite ligne tout en bas

27 avril – Il est 8h du matin et nous nous rendons chez un médecin généraliste pour des examens de santé. Son cabinet est à Jersey City juste à côté du principal centre de dépistage. Celui-ci est installé sur un parking. En passant devant, on aperçoit une file de mornes silhouettes masquées et à deux mètres de distance de chacune. Un panneau électrique annonce les horaires d’accueil. Au fond du parking, deux grandes tentes blanches se dressent avec des personnes emmaillotées dans des tenues médicales blanches avec une charlotte bleue sur la tête, des masques et des lunettes de protection. A l’entrée, une grappe de policiers discutent devant leurs voitures.

Le médecin tarde à arriver mais ses assistantes sont très gentilles. L’une d’entre elles nous précise qu’elle a complètement désinfecté la pièce où nous nous trouvons. Toutes portent un masque et nous de même. C’est devenu une habitude et risque de le rester pour longtemps. Le médecin n’a pas l’air très éveillé et nous ausculte mollement. Lorsque c’est mon tour, nous discutons de la situation actuelle et des enfants. Il m’informe qu’il a un enfant de 3 ans et qu’il le laisse jouer plusieurs heures dans la rue tous les jours. Je ne réponds rien. Il continue : “je ne pense pas que ce virus soit aussi dangereux qu’on le dit. Tout le monde a peur mais c’est ridicule. J’ai invité le meilleur ami de mon fils et ses parents à la maison. Mais ils sont peureux, ils n’ont pas voulu venir. C’est bête. Ma sœur (aussi médecin, c’est elle que nous devions initialement voir) habite juste à côté de chez nous donc nous allons souvent chez elle et mon fils peut jouer avec ses enfants.”

Je n’ose rien dire mais je me dis instinctivement que je suis contente qu’il porte un masque et que moi aussi.

Trump ne résistant pas à l’appel des caméras a finalement décidé de participer à nouveau aux briefings Coronavirus de la Maison Blanche.

28 avril – Il y a à présent plus de 30 millions de chômeurs aux États-Unis et plus de 50 000 morts liés au Covid-19. Les files devant les soupes populaires s’allongent et la résistance s’organise. D’abord, des actions de solidarité se multiplient et des groupes d’individus se créent pour exiger la suspension du paiement des loyers et des délais dans le paiement des prêts. Parallèlement, une autre résistance, plus inquiétante, se met en place: des groupes variant de simples supporters de Trump à des militants d’extrême-droite organisent des manifestations devant les capitoles des États (pour la grande majorité démocrate) qui ont ordonné un strict confinement comme le Michigan ou New-York. Ils revendiquent le droit à disposer de leur corps (et donc à potentiellement mourir du virus). Ce sont les mêmes qui à l’aube harcèlent les femmes désemparées qui se rendent dans les rares cliniques d’avortement, en exerçant justement ce droit à disposer de leur corps.

C’est la seule journée ensoleillée de la semaine donc je sors avec Demi-Portion et Numéro Bis. Demi-Portion joue au ballon sur le bord du fleuve. C’est plutôt désert à part quelques joggeurs masqués et un couple de canards.

29 avril – Sur fond de pandémie, les rumeurs concernant le/la potentiel-lle vice-président-e de Biden courent. Est-ce que ce sera Gretchen Whitmer dont le leardership dans la gestion de la crise sanitaire au Michigan est salué? Ou Kamala Harris, adversaire de Biden pendant les primaires démocrates? Ou encore Stacey Abrams femme politique américaine, candidate déçue aux élections au poste de Gouverneur en Géorgie? Quoi qu’il en soit, ce sera très certainement une femme.

En parlant de Géorgie, le Gouverneur républicain Kemp a décidé de rouvrir l’économie de l’État, ce qui a permis au Gouverneur démocrate de NY, Cuomo de plaisanter, lors du Daily Show, sur la possibilité de se faire couper les cheveux tout en respectant les distances de sécurité et de conclure qu’il aimerait bien voir la tête du client qui s’est ainsi fait couper les tifs. Dans la foulée de la Géorgie, l’Oklahoma et l’Alaska rouvrent leur économie.

30 avril – Je rattrape un peu mon retard de lecture du New York Times. Il y a un article sur les personnes qui ont perdu leur travail et qui, n’ayant toujours pas reçu le chèque du gouvernement, ont des difficultés à finir les fins de mois. Pour certains, cela se traduit par l’impossibilité de payer son loyer ou l’échéance de prêt, de faire ses courses de nourriture, de se soigner – l’assurance maladie étant liée à un employeur. Une jeune femme, au Minnesota, raconte qu’elle a perdu son emploi de serveuse dans une salle de concert et qu’elle n’a pas les moyens de se payer une couverture maladie. Elle ajoute qu’elle essaie en faisant ses courses d’acheter le plus de légumes et de fruits pour protéger son système immunitaire car conclue-t-elle “je ne peux pas me permettre de tomber malade maintenant, cela me ruinerait”. Elle a 26 ans.

Dans un autre État – le Michigan – après une première manifestation sur les marches du Capitole à Lansing, Gretchen Whitmer tient le cap et maintient le confinement. Des enragés armés sont revenus manifester contre le confinement. Certains, toujours en armes, ont pénétré dans le Capitole alors que les législateurs de l’État débattaient de l’extension de l’état d’urgence. Certains, face à des policiers stoïques derrière leur masque, hurlaient des slogans comparant Whitmer à Hitler. Une pancarte à l’extérieur du bâtiment menaçait la Gouverneur en annonçant que “les tyrans seront pendus”. Certains groupuscules s’organisent pour contester devant une cour de justice les mesures de confinement, arguant qu’elles représentent une atteinte aux droits fondamentaux protégés par la Constitution. Bien évidemment, Trump a assuré les manifestants de tout son soutien dans un commentaire étrangement similaire à celui qu’il avait énoncé à la suite des manifestations de Charlottesville où en 2017 des groupes d’extrême droite avaient protesté violemment contre le retrait d’une statut de Robert E. Lee face à des manifestants pacifiques. Il avait alors dit qu’il “y avait des gens bien des deux côtés”. Il a tweeté ce vendredi “ce sont des gens très bien mais ils sont en colère”.

1er mai – Aucune perspective de déconfinement. Cuomo a annoncé que certaines bourgades rurales du nord de l’État de New York pourraient commencer à rouvrir mi-mai si les chiffres le permettaient. Murphy a précisé que le New Jersey s’alignerait sur New York et a mentionné la date de Memorial Day (25 mai). J’avoue que de ne pas avoir de perspectives ou alors une visibilité très floue augmente mon niveau de stress. J’essaie de trouver des chiffres sur les cas de “maladies mentales” pendant cette crise. Le CDC ( Le Centre d’information et de prévention des maladies) offre sur son site des conseils et des informations sur la manière de gérer des pics de stress. La division “santé publique” de l’Université Harvard organise des sessions hebdomadaires sur ce sujet et le 8 avril a atteint une audience record de 700 personnes. La perte d’un emploi, la peur de tomber malade, la peur de perdre quelqu’un de proche et l’isolement sont visiblement les raisons principales des dépressions et des suicides dans les contextes de crises sanitaires (observées pendant la crise du SRAS notamment).

Moins évident, l’anxiété liée à la stigmatisation fait également des ravages. On l’a vu, les crimes à l’encontre des personnes asiatiques ont augmenté. Le fait que Trump s’amusait à nommer le Coronavirus de “virus chinois” a clairement donné un blanc-seing aux racistes de tout poil. J’ai aussi appris qu’une femme – Maatje Benassi – réserviste de l’armée américaine était la cible des brutes conspirationnistes. Ces dernières affirment que c’est cette femme – pourtant jamais testée positive au virus – qui a amené le virus en Chine. Son adresse a été publiée sur les réseaux sociaux et le pouvoir chinois a repris à son compte la théorie. Maatje Benassi aurait participé aux jeux olympiques militaires en octobre 2019 à Wuhan. Toute l’histoire, complètement aberrante, part de là.

Les États-Unis ont atteint le nombre de 61 000 morts liées au Covid-19 sur un peu plus de 330 millions d’habitants. La Californie ferme à nouveau ses plages (dans un des Comtés – Orange County) alors qu’ à la faveur du beau temps, les Californiens étaient venus en masse profiter du sable et des vagues.

2 mai – Les scandales à propos de la gestion catastrophique de cette crise sanitaire par l’administration Trump se multiplient. On apprend que l’administration Obama avait largement briefé les conseillers de Trump sur la réponse à avoir en cas de pandémie et la première action de l’administration Trump a été de congédier l’équipe en charge de préparer cette fameuse réponse. Alors que les gouverneurs des États s’époumonent à demander des tests permettant de rouvrir graduellement leur économie, Mike Pence – Vice Président et en charge de la task force contre le Coronavirus – se balade sans masque lors d’une visite au complexe hospitalier Mayo dans le Minnesota assurant qu’il se fait tester très régulièrement. Enfin, les fonds d’aide aux petites entreprises ont été détournés allègrement et des chefs d’entreprise proche de l’administration Trump s’en sont mis plein les poches.

Après les pâtes, la farine c’est à présent à l’eau minérale de déserter les rayons des supermarchés. Peut-être est-ce lié à la lettre que les résidents de Hudson County ont reçu informant qu’il y avait des taux élevés de plomb dans l’eau du robinet et que c’était à nos risques et périls de la boire?

3 mai – Le port du masque est à présent obligatoire dès que nous quittons notre appartement, c’est-à-dire même dans les parties communes. Je le porte dès que je dois aller vider les poubelles dans le vide-ordures à 50 mètres de ma porte. Le chauffeur de la navette de l’immeuble s’est reconverti: maintenant il apporte les colis aux locataires, à leur porte. Tout est fait pour réduire nos déplacements. Dans la rue, on ne croise que des paires d’yeux. On s’évite, même du regard. Je fais de grands écarts pour respecter les distances de sécurité, à la fois pour ne pas m’exposer mais aussi par peur de représailles (les incidents liés au non respect des distances de sécurité se multiplient).

4 mai – Le maire de notre ville nous annonce que Gouverneur Murphy a ordonné à toutes les écoles de demeurer fermées jusqu’à la fin de l’année scolaire. Je commence à être un peu à court d’activités pour Demi-Portion.
Alors que nous marchons sur le bord du fleuve, des employés municipaux distribuent des masques chirurgicaux aux passants. Depuis le 28 avril, la ville a distribué plus de 5400 masques. Au fil de notre promenade, nous en verrons plusieurs piétinés et salis par terre.

Le supplément Arts du New York Times met en lumière des artistes urbains de Californie et notamment une artiste qui a réalisé une fresque qui annonce “Annulez vos plans, pas votre humanité”. Vaste et ambitieux projet.