Yellowstone c’est un peu le Graal pour moi. J’en ai beaucoup entendu parler, j’y ai beaucoup pensé, j’ai beaucoup fantasmé, imaginé les premiers trappeurs français, les Shoshones et les Crows. J’ai rêvé des bisons et des ours, de cette faune et flore sauvages qui rend le premier Parc national des Etats-Unis si célèbre.

Comme le Graal, le chemin est semé d’embuches ou de déceptions. Notre point de chute est West Yellowstone, ville sans intérêt si ce n’est d’être à la lisière du Parc. C’est une ville purement touristique où s’alignent des boutiques de souvenirs, des stations-service et des restaurants et autres débits de boisson. On y trouve aussi nombre de motels et de RV Parks. Pour ces derniers, rien à voir avec un parc. Il s’agit plutôt de places de parking étroites et en rang d’oignons au bord d’une route. Nous sommes loin des services proposés par les RV Parks que nous avions trouvés en Arizona ou en Utah et je commence à comprendre qu’il y a en effet plusieurs catégories. La première est celle primitive qui consiste à trouver un lopin de terre sur un territoire géré par l’Etat. La seconde est le camping rustique qui n’offre qu’un emplacement souvent bucolique. La troisième option est l’emplacement pour le camping-car avec rattachement aux évacuations d’eaux usées et à l’électricité. Enfin, l’option plus confortable propose piscine, jeux pour enfants, douches propres et parfois mini-golf.
Pour nous, à West Yellowstone, ce sera la troisième option avec comme choix de perspective, soit la vue sur le salon de notre voisin qui a un camping-car aussi grand qu’un appartement – ce qui lui permet d’installer un écran de télévision de la taille de notre lit, soit la vue sur les bennes à ordures. Première déception.
Alors que Baby est allé chercher à pied notre voiture de location à l’aéroport, je décide d’explorer la ville – en réalité deux artères – avec Demi-Portion et Numéro Bis. Je ne savais pas que nous affronterions une des plaies de Yellowstone : les moustiques ! A chaque pas, nous sommes suivis par ces culicidés si acharnés. Résultat des courses : deux paires de chaussettes pour Demi-Portion (certaines avaient rejoint toutes les chaussettes orphelines disparues trop tôt dans le trou noir des machines à laver) et un œuf de caille pour moi sur le front.

A notre retour au campement, on apprend que l’eau courante dans la ville a été décrétée impropre à la consommation après que des prélèvements ont été effectués et ont révélé une contamination dans la source principale (Source Whiskey – le nom était pourtant prometteur). La Mairie distribue des bouteilles d’eau entre 10h et 16h.
Enfin, nous regardons les prévisions météo de la semaine et de la neige est annoncée pour dans deux jours. Nous sommes loin des chaleurs torrides de l’Arizona.
Bon, ce ne sont pas les sept plaies d’Egypte mais les débuts à Yellowstone ne sont pas très encourageants.
Pourtant, dès nos premiers pas dans le Parc, Yellowstone ne nous déçoit pas. Nous sommes éblouis, fascinés, émerveillés. Tout est beau et surprenant.
Le premier jour, pour prendre le pouls du Parc, nous décidons de commencer par son point de vue le plus célèbre : Old Faithful. C’est le geyser le plus prévisible du Parc et ses éruptions peuvent être impressionnantes. Les heures des éruptions prévisibles sont notées sur un panneau à l’entrée du Centre d’information, lui-même fermé pour cause de Covid-19. Nous avons cinq minutes pour trouver un endroit où nous asseoir pour assister à cette explosion récurrente. L’endroit est plein de touristes et les distances de sécurité ne sont que mollement respectées. Nous trouvons avec Demi-Portion un espace plutôt préservé et nous nous y installons. C’est peut-être parce que c’est notre première explosion de geyser ou parce qu’elle est objectivement belle mais nous sommes tout émues.


Nous décidons ensuite de nous engager dans une randonnée de 8 kilomètres nous menant au Lone Star Geyser. La marche, à l’image de toutes celles que nous effectuerons dans le Parc, passe par des paysages variés : sous-bois, sentiers au bord d’un ruisseau, chemins rocailleux de montagne et étendues minérales de silice où un geyser explose, où des bains de boue bouillonnent et où des fumeroles font des circonvolutions dans l’air.



La montée à flanc de montagne est ardue et remarquable. Le spectacle à l’arrivée vaut largement les ahanements, les gouttes de sueur qui ruissellent et le sifflement de l’asthme. Après une montée sous les pins, les sapins, le chemin débouche sur une étendue minérale d’une blancheur aveuglante. Nous patientons assis sur une souche d’arbre que la nature veuille bien nous offrir un de ses mystérieux spectacles. Un cratère pousse des raclements gutturaux avant d’exploser en une gerbe haute et continue devant nos yeux ébahis. La gerbe redescend sous terre progressivement après quelques minutes de jaillissement sous un rideau de gouttelettes et de vapeur. Le Lone Star Geyser est réellement une des merveilles de Yellowstone et se distingue clairement de la série de geysers que le Parc compte.



Nous croisons des bisons et des daims qui paissent paisiblement sur le bord de la route et qui n’hésitent pas à emprunter la chaussée, indifférents aux voitures.


Nous continuons ensuite vers Black Sand Basin et Biscuit Basin autour du fleuve Firehole. On découvre pleinement les formidables phénomènes géologiques qui rendent Yellowstone si célèbre. Au-delà des geysers, déjà fascinants, on admire les sources d’eau chaude, les « piscines » où se multiplient les bactéries thermophiles qui, en alliance avec la lumière du soleil, donnent à ces petits cratères des couleurs magnifiques, alternant du bleu à l’orange passant par le rose. Nous nous arrêtons émerveillés devant Sapphire Pool et devant Black Diamond Pool. Nous sommes hébétés devant de tels miracles de la nature. Toutes les sources scintillantes, mares de boues frémissantes, geysers triomphants rivalisent de beauté et rendent le paysage irréel.


Sur le chemin du retour, alors que je prends des photos d’un bison qui savoure son diner, un monsieur m’informe, depuis sa voiture, qu’une ourse vient de doubler notre impassible bison et se balade à quelques mètres, certainement cachée par les arbres. Baby Boy décide de suivre ses traces et revient avec de superbes photos d’une maman grizzly.


Nous terminons cette première journée par une belle randonnée de 4,8 kilomètres jusqu’aux Mystic Falls – cascade nichée au creux de la forêt – où les courants d’eau froide dévalant la montagne et les courants d’eau chaude bondissant des entrailles de la Terre se rencontrent.

Une ourse brune et son bébé, perché dans les arbres, saluent notre sortie du parc.
Ton texte et vos splendides photos m’émerveillent. Je vis un peu (beaucoup) vos randonnées extraordinaires.
Quelle chance pour vous de faire de telles découvertes lesquelles resteront gravées en vous pour toujours !
Pas d’eau potable, zut alors ! surtout faites très attention à vous, à votre santé.
Alors il vous faut une maison roulante et en plus une voiture de location ! Le logement / camping dans les parc américains n’est finalement pas très au point. Bravo pour les photos d’ours et de bisons !
Yellowstone est immense et hélas nous n’avions pas de camping à l’intérieur du Parc, d’où l’obligation d’avoir une voiture.